(1923 – 1977)
Vittoria Guerrini, qui prendra en 1956 le pseudonyme de Cristina Campo, est née à Bologne le 28 avril 1923. Son père est chef d’orchestre, sa mère est la sœur d’un chirurgien orthopédiste renommé. C’est ainsi que Vittoria et ses parents se trouveront habiter jusqu’en 1929 dans le parc de l’hôpital Rizzoli à Bologne, auprès de l’éminent professeur. La fréquentation quotidienne des infirmes qui y sont traités marquera durablement la sensibilité de l’enfant.
Souffrant d’une malformation cardiaque, Vittoria ne fera qu’une brève expérience de la scolarité. C’est dans les livres des poètes qu’elle apprend l’anglais et l’allemand. En 1943-1944 paraissent ses premières traductions : Conversations avec Sibelius de B. von Törne et Une tasse de thé et autres nouvelles de Katherine Mansfield.
Elle participe en 1951 à la création de la Posta letteraria du Corriere dell’Adda, où sont publiés des écrivains tels que Giuseppe De Robertis, Mario Luzi et Piero Bigongiari. Dans cette revue paraissent plusieurs traductions de Vittoria, notamment consacrées à des textes de Emily Dickinson et de Simone Weil. La pensée de l’auteur de La Pesanteur et la grâce exercera sur elle une influence essentielle. En 1953 est annoncée chez l’éditeur romain Casini la parution du Libro delle ottanta poetesse : « Un recueil des pages les plus pures écrites par des femmes au cours des siècles ». Mais ce livre ne fut jamais publié et le manuscrit en est aujourd’hui perdu.
Son père est nommé en 1955 directeur du Conservatoire Sainte-Cécile à Rome. Elle le suit dans cette ville et habite près du Collège, dans le quartier du Foro italico. L’année suivante paraît chez Scheiwiller à Milan Passo d’addio (Pas d’adieu), qui rassemble ses premiers poèmes. Ce livre est le premier qu’elle publie sous le pseudonyme de Cristina Campo. Elle apporte sa collaboration à diverses revues.
La rencontre avec Elemire Zolla marque le début d’une nouvelle période de sa vie. A partir de 1960 et jusqu’à sa mort, c’est auprès de lui qu’elle vivra et composera son oeuvre. En 1962 paraît chez Vallecchi à Florence son premier livre d’essais, Fiaba e mistero (Conte et mystère).
À partir de 1970, Cristina Campo donne aux Éditions Rusconi des introductions pour plusieurs volumes consacrés à des textes religieux d’Orient et d’Occident. C’est chez le même éditeur que paraît en 1971 son second livre d’essais, Il flauto e il tappeto (La flûte et le tapis). C’est dans la revue Conoscenza religiosa, fondée et dirigée par Elemire Zolla, que sont publiés ses poèmes : Missa romana, La Tigre Assenza et l’extraordinaire Diario bizantino.
Depuis la mort de son père, en 1965, Cristina a déménagé sur l’Aventin. Elle y est proche de l’abbaye bénédictine de Sant’Anselmo, où les offices restent célébrés en grégorien. Lorsque l’abbaye adopte à son tour la liturgie postconciliaire, Cristina Campo se tourne vers le Russicum, où se maintient le rite byzantin.
Elle meurt à Rome le 10 janvier 1977, quelques jours avant la parution du Diario bizantino.
Dix ans plus tard paraît aux Éditions Adelphi, sous le titre Gli imperdonabili (Les impardonnables), la somme de son œuvre en prose (Milan, 1987). Chez le même éditeur sont publiés en 1991, sous le titre La Tigre Assenza (Le Tigre Absence), l’ensemble de ses poèmes ainsi qu’un grand nombre de ses traductions largement consacrées à des poètes de langue espagnole (au premier plan desquels saint Jean de la Croix), allemande (Hofmannsthal, Hölderlin, Mörike) et anglaise (notamment William Carlos Williams, John Donne, Emily Dickinson, T.S. Eliot et Ezra pound).
Pour la décrire citons Pietro Citati (article publié dans le Monde) : « Cristina Campo avait un visage de statue toscane du quinzième siècle : un visage comme on en voit aux bustes et aux sculptures de Desiderio da Settignano ou de Mino da Fiesole, ou à ceux de Laurana. Elle promenait toujours avec elle cet air de Florence, glacé, mordant, baigné d’une lumière perpétuellement blanche. Elle avait aimé le trésor des contes où elle retrouvait la somme de toute poésie, de toute religion ; la délicatesse des anges orientaux de Rilke ; les épices, les déserts, les dromadaires, les fantaisies, les richesses, les couleurs flamboyantes, les villes abandonnées des Mille et une nuits ; la Thébaïde et ses anachorètes ; l’opulence rituelle de Byzance ; les vagabonds mystiques de la Russie de Tolstoï et de Leskov ; la tristesse métaphysique de Donne ; et surtout, vers la fin, l’Espagne de la Contre-Réforme, le Greco, sainte Thérèse, saint Jean de la Croix – ce sombre catholicisme et cette ardeur ténébreuse et surabondante du cœur. Mais elle était la Toscane discrète et sévère de toujours. »
OUVRAGES PUBLIÉS AUX ÉDITIONS ARFUYEN