Jean GEILER DE KAYSERSBERG

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(1446 – 1510)

 

Écrivain de premier plan, turbulent autant que truculent, précurseur de la Réforme, Jean Geiler de Kaysersberg (1446-1510) est l’une des plus hautes figures spirituelles de la fin du moyen âge. Son œuvre est considérable et une édition critique est en cours en langue allemande : déjà trois volumes ont paru à Berlin et New-York (1989-1995). En langue française, le présent ouvrage est étrangement le premier volume de traduction qui soit réalisé.

Des milliers de visiteurs contemplent dans la nef de la Cathédrale de Strasbourg l’admirable chaire de pierre ciselée construite en son honneur en 1485. Sa gloire a été immense : l’Empereur lui-même a tenu à s’entretenir en tête à tête avec lui, presque d’égal à égal, lui qui n’a assurément rien fait pour acquérir ces honneurs à bon prix : « Je suis le veilleur, disait-il ; mon rôle est de donner l’alerte. Quand j’aperçois les flammes de l’incendie, je souffle dans ma trompe à pleins poumons ! »

Geiler est un prophète, nullement un courtisan. C’est pourquoi son style est merveilleux de liberté, de vigueur et de modernité. Les textes de Geiler constituent un jalon essentiel entre Jean Tauler (1300-1361), disciple d’Eckhart, et Martin Bucer (1491-1551), disciple de Luther.

Surtout, plus encore que ceux de Tauler, ils sont vivants et agréables à lire : Geiler était un grand pédagogue. Mgr Doré le souligne : « Si Tauler a pu cibler son propos pour des auditoires plus restreints et plus motivés, Geiler a dû relever le défi d’intéresser la foule remplissant une cathédrale et, pour cela, recourir largement à la force évocatrice de l’image. (…) L’œuvre de Geiler conserve sans doute un caractère plus proche de l’auditeur contemporain que celle de son pourtant à juste titre si illustre prédécesseur ! »

Né en 1446 à Schaffhouse, Jean Geiler fut élevé par son grand-père à Kaysersberg, près de Colmar. Après de brillantes études aux universités de Fribourg-en-Brisgau puis de Bâle, il enseigna et devint recteur à Fribourg.

Très vite il interrompit cette carrière pour s’adresser à des auditoires plus larges. L’évêque de Würzbourg lui proposa de devenir le prédicateur de sa cathédrale. Fort heureusement, un homme politique strasbourgeois parvint à faire créer pour lui un office de prédication à la Cathédrale où il prit ses fonctions en 1478. Geiler y critique vertement clercs, moines et laïcs, surtout les plus riches.

Virulent contestataire de l’Église, il semble qu’il n’aurait jamais admis de remettre en cause les dogmes. Les protestants le considérèrent pourtant très vite comme leur précurseur. Et soucieux de faire oublier les justes critiques du grand prédicateur, le Saint-Siège en tira prétexte après sa mort pour mettre ses textes à l’index. D’où, comme pour Eckhart, les difficultés de transmission de cette œuvre, heureusement enfin redécouverte.

OUVRAGES PUBLIÉS AUX ÉDITIONS ARFUYEN

La Nef des sages

Le Civet de lièvre

Le Manuel du Pèlerin