(? – 1205)
« À présent parlez-moi du doux rossignol. / Qui d’entre eux portera la bannière / depuis que celui de Haguenau, leur maître, s’est tu, / lui qui possédait un si grand art du chant ? / Très souvent je pense à lui, / et je crois que la langue d’Orphée / qui excellait en tous les chants / s’élevait par sa bouche. »
C’est en ces vers qu’en 1210 Gottfried de Strasbourg, passant en revue dans son Tristan les poètes qui l’ont précédé, pleure la mort du plus grand lyrique de son temps, celui qui a porté à la perfection la poésie d’amour : Reinmar l’Ancien, dit Reinmar de Haguenau.
Nous ne savons pratiquement rien de sa vie. Si l’on en croit Gottfried, qui mentionne sa mort comme un événement récent, il mourut sans doute vers 1205. Gottfried est également le seul à localiser ce poète à Haguenau, en Alsace. Pour autant, peut-on affirmer en toute certitude qu’il y est effectivement né ?
Certes, que Reinmar ait été d’origine noble, de Haguenau, est peu vraisemblable : lui ou sa famille seraient en ce cas attestés. Les quatre manuscrits qui nous ont transmis son œuvre ne donnent – ce qui est caractéristique – que son prénom : Reinmar dans le «petit» manuscrit de Heidelberg, herre Reinmar dans le manuscrit de Weingarten, her Reymar dans le manuscrit de Würzburg. Dans le « grand » manuscrit de Heidelberg, il est désigné comme her Reinmar der Alte (l’Ancien), sans doute pour le distinguer d’homonymes plus jeunes, tels que Reinmar der Fiedler, Reinmar von Zweter et Reinmar von Brenneberg.
Siège du palais impérial des Hohenstaufen, Haguenau fut élevée en 1164 au rang de ville et de forteresse et conserva jusqu’en 1208, date de la mort de Philippe de Souabe, les insignes impériaux. La cité est alors un important centre du culture et attire de nombreux artistes. Gottfried de Viterbe, notaire et chapelain de Frédéric Barberousse, vante la beauté du palais de Haguenau et la richesse de sa bibliothèque, la plus renommée à cette époque parmi les bibliothèques non monastiques.
Des mouvements littéraires du sud de l’Europe, tels que la poésie courtoise de langues d’oc et d’oïl, y rencontrent les courants artistiques germaniques, qu’encourage tout particulièrement la seconde épouse de Frédéric lei, Béatrice de Bourgogne. L’activité littéraire atteint à Haguenau son apogée sous les règnes de Henri IV (1190-1197) et de son frère Philippe de Souabe (1197-1208).
La cité tient une place centrale dans l’Empire des Hohenstaufen au moment même où celui-ci atteint sa plus grande extension. Henri VI effectue chaque année plusieurs séjours en son palais de Haguenau et s’y produit lui-même comme troubadour.
Il est donc tout à fait possible que le célèbre Reinmar ait fréquenté la cour de Haguenau mais aussi que Gottfried l’y ait personnellement rencontré.
OUVRAGES PUBLIÉS AUX ÉDITIONS ARFUYEN