L’Hespérie pays du soir

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Successeur de Paul Claudel et Patrice de La Tour du Pin, Jean Mambrino a su concilier avec bonheur le déploiement de sa démarche personnelle de création avec son engagement spirituel, dans une vision cosmique et mystique en étroite parenté avec celle de son ami Pierre Teilhard de Chardin.

« Jean Mambrino, qui aura été l’ami de quelques-uns des grands poètes de ce siècle ( T.S. Eliot, Supervielle, René Char, Norge, Kathleen Raine, Senghor, Henri Thomas, Edmond Jabès, Jean Follain, Eugène Guillevic ) ne touche encore qu’un cercle de lecteurs restreint. Sans doute faut-il un certain temps pour découvrir une entreprise poétique et spirituelle hors du commun. Poésie de l’attention, de la contemplation, du consentement, l’œuvre est traversée par la tendresse d’un dieu absent qui s’est retiré du monde pour laisser se déployer la liberté humaine » (Dictionnaire de Poésie Moderne et Contemporaine, PUF, 1999).

C’est ici le premier ouvrage de Jean Mambrino que publient les Éditions Arfuyen. Depuis son premier recueil, Le Veilleur aveugle, publié au Mercure de France en 1965, l’essentiel de l’œuvre de Mambrino a paru chez Desclée de Brouwer (Clairière, 1974 ; Sainte Lumière, 1976) et aux Editions Corti (Ainsi ruse le mystère, 1983 ; Le Chant profond, 1985 ; La Ligne du feu, 1986 ; La Saison du monde, 1986 ; Le Mot de passe, 1987 ; Le Chiffre de la nuit, 1989 ; Le Palimpseste ou les dialogues du désir, 1991 ; Casser les soleils, 1993 et N’être pour naître, 1996).

En octobre 2000, paraîtra aux Editions Phébus une somme de ses chroniques littéraires et théâtrales sous le titre : Proses pour éclairer la solitude. A noter également la parution récente dans les Cahiers Simenon (n° 13, Bruxelles, 1999) d’une étonnante Correspondance Jean Mambrino – Georges Simenon (1951-1988).

L’Hespérie, pays du soir : étrange et magnifique terme que celui-ci qu’a forgé par le poète pour désigner à la fois ce « pays du soir » qu’est le grand âge et ce lieu d’une autre «espérance ». Car ici aucune trace de regret ou de fatigue, mais une débordante vitalité qui embrasse toutes choses et les projette en un lieu de lumière : « Il a relevé les persiennes. Il n’y a plus que le ciel du soir envahi par une telle immensité de lumière / que le silence efface au fond de lui toute pensée et lui permet de recevoir / sans surprise, « en son centre le plus profond », celle qui depuis toujours l’a devancé » (derniers vers du recueil).

Jean Mambrino aime que ses livres soient tous d’une forme différente. Pour celui-ci, il a souhaité mettre en dialogue ses propres textes avec ceux d’écrivains et d’artistes qu’il sent de sa famille spirituelle. Il s’agit ainsi de bien plus qu’un simple recueil de poèmes : là encore, une sorte de Livre des Amis, à la manière de celui de Hofmannsthal, où les textes alternent avec de nombreuses citations.

« Le poète, écrit Mambrino en introduction au recueil, écoute et reçoit des appels de toutes parts, du dehors comme du dedans. Il accueille en façonnant, et se façonne en acceptant ce qui le métamorphose (…) On trouvera donc ici, mêlés à ses poèmes, quelques souvenirs des découvertes qu’il a faites, les intervalles de ses voyages à travers les livres et les esprits. Ceux du sage Montaigne étaient nourris par les poètes. Un poète peut faire de même, avec le miel des inspirés, les familiers de la Sagesse. Mais toujours resurgit la poésie, en retrait. Les poèmes n’illustrent pas les citations. Les citations ne commentent pas les poèmes. Les uns et les autres sont des étincelles échappées d’un Feu secret. »

Coll. Les Cahiers d'Arfuyen – 2000 – ISBN 978-2-908-82583-1 – 12,2 €