Brisants

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Notes et fragments

Texte établi et présenté par Silvia Massias

Un quart de siècle après les Chroniques antérieures, dix ans après la mort de La Soudière, voici que paraît un premier livre posthume. « L’ayant rencontré plusieurs fois, je sais qu’il n’écrira jamais rien de gratuit, écrivait Henri Michaux. Ce qu’il fera connaître est important. À cela seul s’emploiera sa pénétration singulière. On ne l’imagine pas autrement. »

En 1988, dix ans après ses Chroniques antérieures et après une égale période de grandes souffrances intérieures, Vincent La Soudière entreprend d’écrire ce qu’il appellera lui-même un peu plus tard des « aphorismes ». Les textes sont rassemblés dans trois cahiers numérotés.

Fin 1989, Vincent La Soudière a déjà choisi un titre : Brisants. Ce livre a donc clairement été voulu comme tel par Vincent La Soudière.

Plus encore que Chroniques antérieures, Brisants témoigne de la quête spirituelle qui fut au centre de la vie de La Soudière : « mystique aspiration », chez un auteur qui, à l’âge de vingt-deux ans, fut postulant dans une abbaye bénédictine. Il la quitta pour l’amour d’une femme, mais ne se remit jamais de ce départ – vécu comme une exclusion –, menant dès lors une vie d’errance et de souffrance, physique et spirituelle : « La vie, écrit-il dans Brisants, n’est que souffrances et renoncements. La poésie aussi. Autant dire qu’elles s’abreuvent secrètement à une même source ; la source de l’incomplétude, de l’admirable et brisante incomplétude. »

Cette brisante incomplétude, c’est de n’être pas encore né : « Je suis inconsolable de n’être pas encore né », « Ma seule souffrance est que je n’ai pas encore été nommé ». Ce désir de naître enfin, de naître à nouveau, est incessante recherche du père, attente de « la Grande Rencontre » : « Très loin dans les sables, tu n’es pas sans remarquer un point fuyant : c’est mon père qui ne m’a pas encore engendré. »

Attente désespérante, mais pleine de confiance et d’amour : « Nous sommes faits pour Toi, ô vertigineux Amour. Appelle tes brebis, elles reconnaîtront ta voix. » L’homme, nous dit La Soudière, n’a d’autre dignité que d’être « sentinelle de sa propre naissance ».

♦♦♦   Lire l’article de Joël Vernet

Coll. Les Cahiers d'Arfuyen – 2003 – ISBN 978-2-845-90029-5 – 13 €