Le Retable d’Issenheim

Suivi de L’Horloge de Bologne

Née deux ans avant Cristina Campo et d’une inspiration très proche, Margherita Guidacci (1921-1992) a été publiée par les éditions Arfuyen dès 1977, suivi de quatre autres recueils ainsi que de deux traductions (Dickinson et Powers).

La fluidité et l’intensité de son écriture ont exercé une profonde influence sur nos choix éditoriaux. Spécialiste de la littérature anglaise et américaine, Margherita Guidacci a été la première traductrice de l’œuvre d’Emily Dickinson en Italie.

Le Retable d’Issenheim, épuisé dans la collection « Les Cahiers d’Arfuyen », est réédité ici avec L’Horloge de Bologne dans la collection bilingue « Neige », donnant aux deux recueils leur pleine dimension.

Margherita Guidacci a publié ses deux grands cycles poétiques, Le Retable d’Issenheim (1980) et L’Horloge de Bologne (1981), à un an de distance. Avec le recul du temps les deux font résonner la même éternelle plainte de l’humanité souffrante.

On sait que Picasso de passage en Alsace  en 1932 avait été très frappé par le Retable d’Issenheim, joyau du Musée d’Unterlinden à Colmar, dont on retrouve nettement l’empreinte dans le Guernica de 1937.

Face au célèbre Retable, Guidacci médite la présence du mal et de la violence dans l’homme à travers les siècles. Car la beauté renversante du grand cycle de peintures de Mathis Grünewald fait apparaître avec d’autant plus de cruauté le cortège de souffrances et de malheurs dont, hier et aujourd’hui,  l’homme est tout à la fois la victime et le coupable. 

« Confrontons / nos cauchemars, Mathis : lesquels choisirons-nous ? », s’interroge Margherita Guidacci. D’un côté, l’humanité du xvie siècle, frappée par les épidémies, les guerres, les famines. Grünewald nous montre les corps mutilés et pourrissants, les visages affolés, les hurlements. De l’autre, le monde moderne, où le mal prend le visage de la guerre et du terrorisme.

Guidacci en prend pour symbole l’attentat à la gare de Bologne, le 2 août 1980, le plus meurtrier en Europe (85 morts et 200 blessés) jusqu’aux attentats de 2015 à Paris  (130 morts et 352 blessés). Sur le mur de la gare, l’horloge de Bologne reste aujourd’hui encore bloquée à 10 h 25, l’heure de l’explosion.  

Batelier de l’inutile

Vincent La Soudière (1939-1993) n’a publié de son vivant qu’un seul tout petit livre, Chroniques antérieures (1978). Dix ans après la mort de l’écrivain, les éditions Arfuyen ont été les premières, en 2003, à lancer avec Brisants  la publication de son œuvre.

De nombreuses éditions ont vu le jour depuis lors par les soins de Sylvia Massias : au Cerf les trois forts volumes des  lettres à Didier (2010-2015, 1800 pages) et une biographie, Vincent La Soudière, la passion de l’abîme (2015) ; dans la revue Nunc un dossier La Soudière (2017) ; enfin  aux éditions La Coopérative, un ensemble de fragments sous le titre  Eschaton (2022).

Écrits de 1988 à sa mort en 1993, les textes ici réunis constituent une sorte d’autobiographie et donc aussi de testament. Le titre Batelier de l’inutile a été choisi dans une liste de titres listés par l’auteur. La figure de Pessoa hante ces réflexions : « Le secret, écrit-il, c’est de laisser ta personnalité au vestiaire, et de laisser se défaire le fantôme de ton moi. »

C’est ainsi seulement qu’on peut espérer devenir celui que l’on a toujours été, « source jaillissante qui n’a jamais quitté la lumière éternelle ». C’est ainsi que peut advenir cette « autre naissance », pressentie dans la contemplation des « étoiles scintillantes » sous le regard maternel du firmament.

Pour la première fois, le philosophe et critique Marc Wetzel a accepté d’écrire ici le témoignage de ses rencontres avec Vincent La Soudière. « C’était un homme étonnamment lucide, se souvient-il, (auquel l’intelligence aiguë de ses faiblesses semblait coûter peu), qui savait que ses facilités travaillaient contre lui. […] Je crois que le drame vital de son génie était qu’il n’avait pas de force non-créatrice. Tout passait à “retenir quelque chose du Mystère”. »

La Flûte de la grue

Cet ouvrage est le deuxième de la nouvelle collection de fiction des éditions Arfuyen, Le Rouge & le Noir. Après un roman traduit de l’anglais et d’un esprit proche de Katherine Mansfield, des nouvelles traduites du japonais dans une ambiance qui évoque beaucoup les films d’Ozu et Ishikawa Takuboku, publié par le Éditions Arfuyen depuis leurs tout débuts .

Fumiko Hayashi est une des figures majeures de la littérature japonaise. C’est en 1930 que Fumiko Hayashi a acquis une précoce notoriété en publiant Vagabonde, son journal romancé. Beaucoup de ses nombreux romans et nouvelles ont été adaptés au cinéma par le grand réalisateur Mikio Naruse, et notamment le chef d’œuvre de ce dernier Nuages flottants (1955).

Les onze nouvelles inédites ici présentées datent des années 1930-1948, sa période de maturité. Elles ont  été  traduites et préfacées par l’un des meilleurs connaisseurs français de la littérature japonaise, René de Ceccatty, par ailleurs romancier, essayiste et traducteur de l’italien.

Un pays dévasté, où les journées se passent à chercher un emploi, un toit, de la nourriture. On entend voler des avions américains. Certains hommes sont partis se battre dans une guerre que l’on ne comprend pas. D’autres ont tenté l’aventure en Mandchourie. Des enfants, des épouses, des amis ont disparu.

Et pourtant, dans cette ambiance de désolation, une forme étrange de sérénité, comme si les destinées individuelles comptaient moins qu’un moment de beauté ou qu’un sourire de bonté sur un visage. Comme si seul importait ce chant mystérieux de la flûte pour éviter de « perdre l’espoir, quelle que soit l’adversité ».

L’écriture vive et rapide d’Hayashi s’ouvre aux tonalités les plus diverses, des récits d’errances dans la grande tradition japonaise jusqu’à des visions apocalyptiques ou des récits quasi légendaires. Sa tonalité est très proche de celle d’Ishikawa Takuboku, lui aussi révolté par une société patriarcale et répressive, qu’elle cite fréquemment.

Un fabuleux silence

Diario di poesia 1933-1938

Les Éditions Arfuyen ont entrepris de publier en édition bilingue l’intégralité du Diario de poesia (Journal de poésie), qui constitue l’œuvre unique d’Antonia Pozzi. En 2016 a paru le premier volume intitulé La vie rêvée. Journal de poésie 1929-1933, qui a remporté un vif succès. Ce second volume, Un fabuleux silence. Journal de poésie 1933-1938, en constitue la dernière partie. Traduite en de nombreuses langues, elle est révélée pour la première fois en français grâce à la traduction intégrale de Thierry Gillybœuf, traducteur également de Quasimodo, Svevo ou Sinisgalli.

Malgré une mort prématurée à l’âge de 26 ans, Antonia Pozzi (1912-1938) a laissé une œuvre considérable dont la publication posthume a révélé la force et l’originalité. Vittorio Sereni a reconnu le premier ses dons exceptionnels. Eugenio Montale admirait chez elle la « pureté du son » et la « limpidité des images ». Et le grand T. S. Eliot lui-même se disait frappé par «sa pureté et sa probité d’esprit ».

Un an après sa mort, les éditions Mondadori ont publié sous le titre Parole, un premier ensemble de ses poèmes (1939). L’année suivante a paru sa thèse : Flaubert. La formazione letteraria (1940). En 1948, a paru enfin la totalité du Diario di poesia 1930-1938, préfacé par Montale. La publication de ses lettres (notamment à Sereni) a révélé une personnalité complexe et attachante.

Le Diario di poesia est un journal entièrement fait de poèmes: le miracle est que, grâce à la vivacité du regard et à la limpidité du style, ce journal ne tombe jamais dans le prosaïsme ni la complaisance. Comme Emily Dickinson, Antonia Pozzi n’a rien publié de son vivant. Pour elle aussi, la poésie constitue une sorte de journal secret où la vie entière est reprise et métamorphosée.

Dans sa parfaite immédiateté, son écriture est ainsi frappante de profondeur et de densité. La montagne (les Dolomites) est comme le symbole de son écriture, elle qui réconcilie le ciel et la terre, la vie et la mort. C’est là qu’elle trouve le refuge spirituel nécessaire pour s’affranchir d’un monde où l’épanouissement normal de sa vie de femme lui est refusé par les conventions sociales d’un milieu et d’une époque marqués par le patriarcat mais aussi le fascisme.

Ainsi parlait Simone Weil

Dits et maximes de vie

Simone Weil (1909-1942) est morte à 34 ans après une vie aussi intense qu’héroïque. Bien qu’elle n’ait presque rien publié de son vivant, elle laisse une œuvre immense et d’une extrême diversité.

À Normale Sup, Simone de Beauvoir, d’un an son aînée, est frappée par « sa réputation d’intelligence », « son accoutrement bizarre » mais plus encore par son extrême sensibilité aux malheurs d’autrui. Elle n’a alors pas même 20 ans.

« Tous les hommes admettent une morale rigoureuse quand il ne s’agit pas de l’appliquer. » Lorsqu’elle écrit ses lignes, Simone Weil commence sa vie professionnellle comme professeure de philosophie. Dès la fin de l’année scolaire 1933-1934, elle quitte l’enseignement devenir ouvrière.

Marxiste, elle a compris pourtant que la révolution ne suffit pas à résoudre le problème social : « Le mot de révolution est un mot pour lequel on tue, pour lequel on meurt, pour lequel on envoie les masses populaires à la mort, mais qui n’a aucun contenu. » Elle n’a pas plus confiance dans les staliniens et les trotskistes que dans les réformistes : « Toutes les absurdités qui font ressembler l’histoire à un long délire ont leur racine dans une absurdité essentielle, la nature du pouvoir. »

C’est au contact le plus proche avec la réalité que l’on peut comprendre les mécanismes de l’oppression et les moyens de s’en affranchir. De même, pacifiste, il lui faudra faire la guerre d’Espagne avec les anarchistes pour se donner le droit de parler de la paix.

Poussant au plus loin cette expérience de la compréhension des autres et de la compassion, la jeune agnostique révoltée en vient à se rapprocher du christianisme. « Nous vivons une époque privée d’avenir, observe-t-elle. L’attente de ce qui viendra n’est plus espérance, mais angoisse. » Après sa mort paraîtront les textes incandescents de La Pesanteur et la Grâce et L’Attente de Dieuqui révèleront en cette infatigable militante l’une des grandes spirituelles de son siècle.

Alors que ses parents l’ont entraînée aux États-Unis pour fuir les persécutions antisémites, elle décidera de retourner en Europe  pour travailler à Londres au service de la France Libre. C’est là qu’elle meurt de la tuberculose et repose aujourd’hui encore. 

Cécile Holdban, poète et peintre, a déjà donné en 2019 un excellent Ainsi parlait Virginia Woolf. Chez ces deux femmes, une même volonté indomptable et la même extraordinaire créativité.

Lucarnes

Après Le Vol du loriot (2005), Le Séjour (2009) et À – Hommages, adresses, dédicaces, ce nouveau livre est le quatrième de Jacques Goorma qui paraît aux Éditions Arfuyen. Il est publié en partenariat avec le Printemps des Poètes pour illustrer le thème choisi pour 2024, la Grâce, magnifiquement présent dans cet ouvrage.

Spécialiste de l’œuvre de Saint-Pol-Roux, dont il a édité de nombreux volumes chez Rougerie, Jacques Goorma a également publié un ouvrage qui lui est consacré dans la collection Poésie/Gallimard et un Ainsi parlait Saint-Pol-Roux chez Arfuyen en 2022. L’écriture de Jacques Goorma est marquée à la fois par un étroit contact avec la nature et par les grandes traditions spirituelles orientales et rhéno-flamandes.

Ce n’est pas un hasard si figure en couverture de ce nouveau livre l’idéogramme kŏu, en chinois  « bouche ». Ce signe se réfère bien sûr d’abord aux petites ouvertures qui donnent leur titre au livre : cette « petite lucarne / ouverte // au fond /du tableau » qui semble le faire communiquer, comme dans un tableau de Vermeer, avec un autre monde.

Mais ce signe désigne aussi la bouche béante dans l’instant de l’émerveillement : « elle est venue, dit le poète / l’inattendue l’éblouissante // sitôt / disparue ». Innombrables sont ces instants pour qui sait les accueillir et chaque poème en est comme la trace, peut-être aussi la clef. Car, écrit Goorma « nul / ne rencontre le poème // sans / se rencontrer ». Le poème n’est pas simple souvenir, mais principe actif. Il nous aide à voir et à entendre.

Comme le poète, le lecteur qui vit profondément le texte doit pouvoir éprouver lui aussi cette étrange impression : « je m’éveille soudain / regardant tout autour // comme venant / de tomber du ciel ». C’est alors que subitement la lucarne s’ouvre à la vision : « le soir appuie / son front noir // sur la vitre / et te regarde ». Et c’est alors que se fait sensible, dans un parfait silence, le passage de la grâce. Car toujours, rappelle le poète, « l’effroi est /grand ouvert // au vertige / de la grâce. » Et ce sont au contraire l’habitude et le confort qui nous empêchent de la recevoir. Au plus sombre des jours, la grâce reste présente en nous : « par le sourire en nous / de la clarté // la grâce demeure / invaincue ».

   Coll. Les Cahiers d'Arfuyen — 2024 — 128 p — ISBN 978-2-845-90365-4 — 14 €

Un été en montagne

Cet ouvrage est le premier d’une collection nouvelle : « Le Rouge & le Noir ». Le titre fameux de Stendhal en suggère l’orientation : des textes de fiction (romans, nouvelles, récits), français et étrangers, modernes ou contemporains.

Cousine de Katherine Mansfield, Elizabeth von Arnim (1866-1941) fait partie de ces romancières britanniques qui ont imposé un ton nouveau dans la littérature comme Virginia Woolf, Vita Sackville West, Ivy Compton-Burnett ou Elizabeth Bowen. Une large partie de son œuvre  a été traduite en France, chez Bartillat, 10/18, Plon, Mercure et Belles-Lettres. Trois films ont été tirés de ses romans Avril enchanté et Mr. Skeffington.

Totalement inédit en français, Un été en montagne (In the Mountains) a paru en 1920, deux ans avant son livre le plus connu Avril enchanté (Enchanted April). Arnim y est au sommet de son art, fait d’une écriture familière et fluide, artistement improvisée, et d’un ton plein d’humour, de finesse et de nostalgie. Pétillante comme le champagne.

Juillet 1919 : la narratrice arrive à son chalet de montagne, dans le Valais suisse qu’elle n’a pas revu depuis le 1er août 1914. Fatiguée et déprimée, elle s’effondre dans l’herbe avant même de franchir le seuil. « C’est tellement humiliant d’être à ce point bouleversée. Je me sens aussi ridicule que malheureuse ; comme si quelqu’un avait pris mon visage et l’avait frotté de poussière. » Mais tout de suite, grâce à la magie de l’écriture d’Elizabeth von Arnim, le paysage est là.

Naguère bruissante de gaieté, la maison est à présent silencieuse. Seuls avec la narratrice, le couple de gardiens qui voit d’un mauvais œil qu’on vienne déranger ses habitudes. Ils parlent en français dans le texte, d’où de savoureux dialogues où l’élégante Londonienne se retrouve souvent, malgré son humour et sa bonne volonté, en position difficile.

Mais cette sorte de tranquillité ne durera pas : une situation des plus étranges s’instaure avec l’arrivée de deux femmes venues de nulle part et marquées par un lourd secret. Kitty, terriblement convenable et polie, et Dolly, sa cadette, toujours souriante et silencieuse.

Au premier étonnement, succède l’inquiétude et une brûlante curiosité. Le huis clos devient confrontation et se développe en une enquête quasi policière. L’art d’Elizabeth von Arnim, d’une fascinante finesse psychologique et d’une réjouissante ironie, est de nous entraîner jour après jour à sa suite. Jusqu’à une fin imprévisible et merveilleusement « british ».

  Coll. Le Rouge & le Noir  —  2024  —  240 p  — ISBN 978-2-845-90328-9 — 17 €

L’Œuvre poétique I : Le code de la nuit

Né à Swansea sur la côte du pays de Galles, mort à 39 ans à New York, Dylan Thomas (1914-1953) est un de ces poètes météores, comme Keats, Trakl ou Hart Crane, dont l’œuvre intense et déroutante ne cesse de nous interroger. « Chaque ligne demande à être comprise, écrivait-il lui-même ; on demande au lecteur de comprendre chaque poème en y réfléchissant et en y reportant son émotion. »

Ses nombreuses tournées de lectures aux États-Unis et les enregistrements qui en ont été réalisés ont été des événements dignes d’une rock star qui ont attiré à la poésie de très larges publics.

Les Éditions Arfuyen ont décidé de publier en deux gros volumes bilingues l’intégrale de cette œuvre majeure et réputée intraduisible. Le premier comporte ses trois premiers recueils ; le second comportera ses deux derniers recueils et des posthumes. Hoa Hôï Vuong, qui a entrepris ce vaste chantier, a déjà traduit et présenté en 2015 pour les éditions Arfuyen L’Œuvre poétique bilingue du grand poète américain Hart Crane (1899-1932) dans une traduction virtuose qui a été largement saluée.

L’œuvre de Dylan Thomas nous met au défi en tant que lecteurs, auditeurs et compagnons d’humanité : elle nous somme de nous aboucher avec sa verve éclatante, de nous acoquiner avec la poissonnière sur le quai, avec les musicastres et les ferrailleurs, avec les cloches et les sirènes, avec les corbeaux et les mouettes, et tout le reste, « toute la boule d’écume et de vagues du monde ».

Les trois recueils regroupés en ce premier des deux volumes de l’édition bilingue de L’Œuvre poétique font bloc à la fois dans le temps et dans l’écriture. Ils tracent déjà un portrait achevé du jeune poète gallois.

C’est en 1934 que paraît son premier recueil, les 18 Poems (18 poèmes) : il a vingt ans. Deux ans plus tard sont publiés se Twenty-five Poems (Vingt-cinq poèmes) et en 1939 The Map of Love (La Mappemonde de l’amour) dont les derniers vers, rédigés pour son 24e anniversaire, sonnent comme une épitaphe : « Tiré à quatre clous, à l’entame de la parade sensuelle, / Des sous rouges plein les veines, / En route vers la ville élémentaire, dans sa direction finale / J’avancerai aussi longtemps que toujours sera. »

Lettres à une jeune femme

et autres écits sur l’amour

« Tout ce discours sur la libération du monde, écrit Lisa Heise à Rilke en août 1919, n’est-il pas vain tant que la justice reste incomplète dans les relations entre l’homme et la femme ? Pourquoi l’homme est-il si mal préparé à l’amour ? »

Rilke n’a cessé de s’interroger sur l’amour et sur ces grandes amoureuses – de Sappho, Gaspara Stampa, la Religieuse portugaise – qui l’ont porté, à travers les souffrances de l’abandon, à ses plus hauts accomplissements. Et voici qu’une jeune femme, laissée seule sans moyens avec son fils, lui demande conseil et réconfort : au livre qu’il a toujours voulu écrire sur ce thème s’ajoute le chapitre manquant.

C’est en 1930, un an après la parution des Lettres à un jeune poète, que paraîtront ses Lettres à une jeune femme. Traduites en de nombreuses langues, elles n’ont jamais paru en France en intégralité. Elles sont pourtant du plus haut intérêt tant du fait de la personnalité singulière de Lisa Heise (1893-1969), pianiste, horticultrice et écrivaine, que de l’attention lucide et bienveillante qu’accorde l’écrivain à cette jeune inconnue.

Le présent ouvrage rassemble au côté des Lettres à une jeune femme un large ensemble des écrits sur l’amour de Rilke : « Les livres d’une amante », « Sur la Portugaise », « Celles qui aiment » et 18 poèmes d’amour dont le dernier intitulé « Pour Madame Lisa Heise ».

Le texte de Katherina Kippenberg, amie proche de Rilke, évoque son rapport particulier avec les femmes.