Un fabuleux silence

Diario di poesia 1933-1938

Les Éditions Arfuyen ont entrepris de publier en édition bilingue l’intégralité du Diario de poesia (Journal de poésie), qui constitue l’œuvre unique d’Antonia Pozzi. En 2016 a paru le premier volume intitulé La vie rêvée. Journal de poésie 1929-1933, qui a remporté un vif succès. Ce second volume, Un fabuleux silence. Journal de poésie 1933-1938, en constitue la dernière partie. Traduite en de nombreuses langues, elle est révélée pour la première fois en français grâce à la traduction intégrale de Thierry Gillybœuf, traducteur également de Quasimodo, Svevo ou Sinisgalli.

Malgré une mort prématurée à l’âge de 26 ans, Antonia Pozzi (1912-1938) a laissé une œuvre considérable dont la publication posthume a révélé la force et l’originalité. Vittorio Sereni a reconnu le premier ses dons exceptionnels. Eugenio Montale admirait chez elle la « pureté du son » et la « limpidité des images ». Et le grand T. S. Eliot lui-même se disait frappé par «sa pureté et sa probité d’esprit ».

Un an après sa mort, les éditions Mondadori ont publié sous le titre Parole, un premier ensemble de ses poèmes (1939). L’année suivante a paru sa thèse : Flaubert. La formazione letteraria (1940). En 1948, a paru enfin la totalité du Diario di poesia 1930-1938, préfacé par Montale. La publication de ses lettres (notamment à Sereni) a révélé une personnalité complexe et attachante.

Le Diario di poesia est un journal entièrement fait de poèmes: le miracle est que, grâce à la vivacité du regard et à la limpidité du style, ce journal ne tombe jamais dans le prosaïsme ni la complaisance. Comme Emily Dickinson, Antonia Pozzi n’a rien publié de son vivant. Pour elle aussi, la poésie constitue une sorte de journal secret où la vie entière est reprise et métamorphosée.

Dans sa parfaite immédiateté, son écriture est ainsi frappante de profondeur et de densité. La montagne (les Dolomites) est comme le symbole de son écriture, elle qui réconcilie le ciel et la terre, la vie et la mort. C’est là qu’elle trouve le refuge spirituel nécessaire pour s’affranchir d’un monde où l’épanouissement normal de sa vie de femme lui est refusé par les conventions sociales d’un milieu et d’une époque marqués par le patriarcat mais aussi le fascisme.