Henri Meschonnic a été distingué pour l’ensemble de son œuvre par le Prix Jean Arp de Littérature Francophone 2005, qui lui a été remis dans le cadre des premières Rencontres Européennes de Littérature à Strasbourg en mars 2006.
D’un vers à l’autre, d’un thème à l’autre, la parole d’Henri Meschonnic est d’une étonnante fluidité. Le poème coule comme « la terre coule », comme coule le sang, symbole de vie, mais tout aussi bien de mort.
Dans son recueil précédent, Tout entier visage, Meschonnic nous disait : « et chaque vie je commence / tellement je n’ai / rien appris / que mes yeux sont comme un ventre / une ville y entre comme rien / il me suffit d’un désir / et mes yeux sont des yeux monde ». Poème du désir sans limite, de la vie vaste à la mesure du monde.
Mais voici que le regard du poète se tourne vers autre chose, non moins vaste mais combien redoutable. Autre chose que même les « yeux monde » ne voient pas, que la vie résolument ne veut pas savoir la vie : « il est temps / d’entendre / ce qu’on ne veut pas entendre / entendre ce qui ne fait pas de bruit / le sang ne fait pas de bruit / l’oiseau mort / ne fait pas de bruit ».
Il y a un autre côté des choses que le désir refuse de considérer : « tout ce silence / de tous ceux qui se taisent / fait un bruit à ne plus vivre / mentir ne fait pas de bruit / mais mentir mentir sur mentir / finit par faire un bruit à ne plus / s’entendre / un bruit de fin du monde / la mort / ne fait pas de bruit ».
Cette terre qui « coule », c’est le temps des vivants, et c’est le lieu des morts. C’est le lieu du passage, et c’est le temps des dieux : car, nous dit Meschonnic, « les dieux sont la vie de / nos vies / c’est pourquoi ils courent / d’un lieu / à un autre lieu sans cesse / ils sont notre course / entre nous et nous / on ne s’aime jamais assez / c’est ce qu’ils nous disent / écoute ».
♦♦♦ Lire l’article de Charles Dobzynski
Coll. Les Cahiers d'Arfuyen – 2006 – ISBN 978-2-845-90086-8 – 12,5 €