Je renaîtrai

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La concision et la violence de l’écriture d’Anise Koltz apparaissaient avec un particulier éclat dans les récits largement autobiographiques de La Lune noircie, évoquant par l’âpreté et la crudité des images l’univers d’un Faulkner.

Ce nouvel ouvrage, Je renaîtrai, renoue avec la forme poétique. Son titre, brandi comme un véritable défi par cette femme de 82 ans, fait référence au premier texte du recueil : « J’ai escorté mon nom / jusqu’à l’oubli // Demain je renaîtrai / surgissant de l’argile // Mon ombre gravite déjà / autour d’une nouvelle effigie ». Mais plusieurs autres textes reprennent ce thème dans le présent recueil. Ainsi du poème intitulé « Autour de moi » : «Je veux renaître / oiseau de proie // Voir pousser sur ma peau / des plumes ébouriffées / par mes montées abruptes / mes descentes sanguinaires // Tandis qu’autour de moi / les anges tombent / et s’écrasent ».

Ainsi encore de cet autre poème intitulé « Je renais » : « Je me mets au monde / Jour par jour // Je n’apporte ni commencement / Ni fin // Je renais dans la crasse / Et le sang ». Ce même thème se retrouve inversé dans le texte intitulé « Refus » : « Je refuse de renaître / ma route devient trop étroite // Sans repères / je marche avec une boussole / à l’intérieur de mon corps // Suspendue seulement au monde / par une épingle de sûreté ».

Dans ces différents textes reviennent des images qui semblent inspirées du Livre des morts égyptien : la vie humaine y apparaît comme une épreuve au-delà de laquelle s’ouvre pour l’âme la voie de nouvelles existences. Comme dans nombre d’autres livres d’Anise Koltz, mais d’une manière plus obsédante encore, les souvenirs personnels se mêlent à une sorte de liturgie, mystérieuse et inquiétante, où le destin des hommes se révèle comme dans un miroir, avec toute sa cruauté et son étrangeté.

Les images venues d’une enfance affectivement très dure et des désastres de l’Histoire de la Seconde Guerre mondiale se mélangent avec les références à la mythologie des dieux de l’Égypte ancienne. Ainsi dans cet autre poème, « Un avenir » : « Dans les paumes de ma mère / où tous les temps coexistent / je lis mon avenir // Ne me souvenant plus de ma première mort / je renais au besoin / réplique de moi-même ».

Telle est la force de la vision d’Anise Koltz d’arriver ainsi à transcender le destin personnel en le déchiffrant dans un autre espace spirituel, à la fois éclairant et tragique. Porteur de significations inépuisables, sans pourtant de consolation.

Coll. Les Cahiers d'Arfuyen – 2011 – ISBN 978-2-845-90157-5 – 16 €