Le Chrétien intérieur

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Textes choisis suivis des Lettres à l’Ami intime

Texte établi et présenté par Dominique et Murielle Tronc

Le Chrétien intérieur, de Jean de Bernières, publié à titre posthume par ses amis en 1660, a été dans le domaine spirituel le plus grand succès d’édition du Grand Siècle, pourtant riche en chefs d’œuvre spirituels. Fait étonnant, son auteur est un laïque qui, au même titre que Madame Acarie ou M. de Renty, a eu de son vivant un tel rayonnement qu’il a assumé la direction spirituelle de nombreuses personnes, sans que les plus sourcilleux des membres de la Compagnie de Jésus n’y trouvent à redire.

Il est vrai que sa doctrine, de très haute élévation spirituelle, est aux yeux de l’abbé Bremont parmi les plus sûres : « À quelques inexactitudes ou outrances de plume – deux fois excusables chez M. de Bernières, qui n’a rien publié de son vivant – sa doctrine spirituelle est la doctrine commune. Si on la condamne, il faut condamner aussi tous les mystiques de cette époque. M. de Bernières se trouve pleinement d’accord d’une part avec son grand ami, le bérullien Gaston de Renty, d’autre part, avec Marie de l’Incarnation, autant dire avec le Père. Lallement. » Bernières a exercé une grande influence sur Marie de l’Incarnation comme sur Madame Guyon.

Le 13 juin 2009 aura lieu à Caen, sa ville natale, la translation solennelle de ses ossements. À cette occasion sont prévues d’importantes célébrations, organisées par le Centre d’études théologiques de Caen en relation avec l’abbaye de Kergonan. La publication du présent ouvrage, alors qu’il n’existe actuellement aucun texte disponible de Bernières, s’inscrit dans ce cadre.

Le Chrétien intérieur a été composé après la mort de Bernières à partir de sa correspondance avec ses nombreux dirigés. Le septième livre du Chrétien intérieur constitue le sommet de cette œuvre considérable et de par sa méthode de composition nécessairement inégale. La langue de Bernières correspond à sa modestie et son absence de toute affectation. Les choses sont telles qu’elles sont : il les raconte avec une profonde honnêteté en restant au plus près d’une belle et profonde expérience.

L’oraison est le fondement de sa vie : « L’oraison, écrit-il, est un feu qui réchauffe ceux qui s’en approchent, et qui s’en éloigne se refroidit infailliblement. » Le septième livre est principalement consacré à l’oraison passive dans laquelle il a vécu ses dernières années. Celle-ci met l’âme dans « une nudité totale pour la rendre capable de l’union immédiate et consommée … En cet état, il faut laisser opérer Dieu et recevoir tous les effets de sa sainte opération par un tacite consentement dans le fond de l’âme. »

Cette oraison ne peut s’appuyer que sur un absolu renoncement à tout ce qui n’est pas Dieu : « Un homme d’oraison doit être un homme mort … C’est se moquer de vouloir faire oraison et vouloir encore prendre goût aux créatures. » Et il écrit dans une lettre : « C’est l’esprit de notre ermitage que d’arriver un jour au parfait néant, pour y mener une vie divine et inconnue au monde, et toute cachée avec Jésus-Christ en Dieu. »

Bernières écrivit beaucoup à M. Bertot : c’est dans ces Lettres à l’ami intime, qu’il se dévoile le plus. Bien que celui-ci soit plus jeune, il le considère comme son égal et lui parle à cœur ouvert des états les plus profonds de ses dernières années : « Je ne puis vous exprimer par pensées quel bonheur c’est de jouir de Dieu dans le centre… Plus Dieu s’élève dans le centre de l’âme, plus on découvre de pays d’une étendue immense, où il faut aller, et un anéantissement à faire, qui n’est que commencé. »

Coll. Les Carnets spirituels – 2009 – ISBN 978-2-845-90134-6 – 17,5 €