Traduit de l’espagnol et présenté par Dominique Poirot, o.c.d.
Écrits dans des conditions particulièrement dramatiques, les Romances sont la partie de l’œuvre du célèbre mystique et poète la partie la moins connu. C’est aussi le seul cycle de poèmes pour lequel Jean de la Croix n’ait pas écrit lui-même de commentaire. D’où l’idée d’une nouvelle traduction et d’un commentaire suivi, à la manière de Jean de la Croix, pour faire découvrir les richesses de ce texte essentiel et méconnu.
Jean de la Croix compose ces Romances au temps de l’Avent de l’année 1577. Engagé dans l’œuvre de la réforme de Thérèse d’Avila, il vivait depuis cinq ans à Avila. Il en a été arraché par quelques-uns de ses frères de l’Ordre du Carmel opposés à cette réforme, pour être mis au secret à Tolède. Sous la forme du « romance » – le mot est masculin –, Jean de la Croix dépasse la détresse de son emprisonnement pour méditer la geste de l’amour de Dieu à travers l’histoire. Par sa formidable générosité, ce grand poème (312 vers) relativise une catéchèse culpabilisante, encore trop souvent retenue de nos jours.
À l’époque de Jean de la Croix, comme depuis l’origine de l’Église, un grand débat a cours sur la nature humaine : était-elle fondamentalement bonne ou viciée par le péché originel ?
Une réponse optimiste s’épanouit dans la tradition franciscaine. Selon cette tradition, selon la logique de l’amour, Dieu ne saurait être étranger à son œuvre. L’amour est par nature être créatif, diffusif… Le mobile de l’incarnation de Dieu est donc l’amour et non la rédemption, qui en est la conséquence. C’était l’explication défendue par l’école des Carmes de Salamanque dans la tradition de laquelle Jean de la Croix, a fait ses études universitaires.
Une seconde conception, pessimiste, se réclame de saint Paul et saint Augustin. L’humanité entière est coupable avec Adam. Le péché seul nécessite l’incarnation et la rédemption par la Croix. Notre génération reste marquée par cette seconde explication. Son inflation peut expliquer bien des perversions que toute institution engendre chez ses fidèles lorsque les finalités ne sont pas clairement établies : infantilisation, pessimisme, manichéisme, désaffection de l’institution, etc.
Le message des Romances permet de dépasser cette vision pour redonner confiance à l’homme. Après des siècles de prédications d’un Dieu juge, l’accent est mis sur un Dieu d’amour et de miséricorde.
Coll. Les Carnets spirituels – 2004 – ISBN 978-2-845-90048-6 – 18 €