Petites proses plus ou moins brisées

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Image de couverture de Jacques Abeille 

 

Découvert par Régine Deforges en 1971, publié par Bernard Noël en 1982, soutenu par l’amitié de Julien Gracq, Jacques Abeille est l’auteur d’une œuvre de premier plan dans des domaines aussi variés que le roman, les nouvelles, la poésie, les essais, les textes érotiques, mais qui reste, tant du fait de sa profonde originalité, étonnamment méconnue. Du reste, il aime à travailler à l’écart et ne se préoccupe guère de sa reconnaissance.

Jacques Abeille est particulièrement connu pour un ensemble de textes relevant d’une forme très personnelle de science-fiction, ensemble intitulé Le Cycle des Contrées. Le premier de ces ouvrages, Les Jardins statuaires a été publié en 1982 par Flammarion, réédité par Losfeld en 2004, puis Attila en 2010, pour paraître en 2012 en Folio. Dans sa préface, Bernard Noël écrivait de Jacques Abeille : « Il est incomparable bien qu’il appartienne à une famille où voisinent les noms de Buzzati, Coetzee, Gracq et Puységur. »

L’univers de Jacques Abeille est d’une totale singularité : « Je crus avoir écrit l’œuvre d’un fou, dit-il lui-même de ses Jardins statuaires ; l’ayant laissée quelque temps, je m’étonne d’une cohérence inattendue. » Il en va de même de l’ensemble de son œuvre qui, sous une apparente dispersion, est aimée d’une vision forte, étrange et cohérente.

S’agissant d’écrivains comme Gracq ou Abeille, la frontière est-elle jamais bien claire entre prose et poésie ? Les phrases qui ouvrent Les Jardins statuaires sont d’un poète autant que d’un romancier : « Est-on jamais assez attentif ? Quand un grand arbre noirci d’hiver se dresse soudain de front et qu’on se détourne de crainte du présage, ne convient-il pas plutôt de s’arrêter et de suivre une à une ses ramures distendues qui déchirent l’horizon et tracent mille directions contre le vide du ciel ? Ne faut-il pas s’attacher aux jonchées blanchâtres du roc nu qui perce une terre âpre ? Être aussi attentif aux pliures friables des schistes ? Et s’interroger longuement devant une poutre rongée qu’on a descendue du toit et jetée parmi les ronces, s’interroger sur le cheminement des insectes mangeurs de bois qui suivent d’imperceptibles veines et dessinent comme l’envers d’un corps inconnu dans la masse opaque ? »

Au présent recueil, Jacques Abeille a donné un titre, Petites proses plus ou moins brisées, qui le situe à ces frontières mystérieuses entre prose et poésie qu’il ne cesse d’explorer. Le livre, composé de textes écrits sur plusieurs décennies, est structuré en trois parties : «Ce qu’il reste d’un jeune homme qui maigrissait », « Figures en réserve » et « Bris et bruits ».

Créé en 2004, le Prix Jean Arp de Littérature Francophone est parrainé par l’Université de Strasbourg. Par leur diversité comme par l’intégrité et la force de leur travail, ses lauréats expriment l’orientation de ce Prix pas comme les autres : en 2004, Jean Mambrino ; en 2005, Henri Meschonnic ; en 2006, Marcel Moreau ; en 2007, Bernard Vargaftig ; en 2008, Anise Koltz ; en 2009, Pierre Dhainaut ; en 2010, Denise Desautels ; en 2011, Valère Novarina ; en 2012, Silvia Baron Supervielle ; en 2013, Marcel Cohen.

Coll.  Les Cahiers d'Arfuyen – 128 p – 2015 – ISBN 978-2-845-90213-8 – 12 €