Somme d’amour

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Après L’ombre la neige (1992, avec une lettre-postface de Christian Bobin), Un cahier de pivoines (2002, Prix Paul Verlaine) et Au front des sapins (2005), la Somme d’amour est le quatrième ouvrage de Maximine aux Éditions Arfuyen.

Si Arfuyen a été le découvreur de cette œuvre, d’autres éditeurs lui ont fort heureusement emboité le pas, permettant à d’autres livres de voir le jour : Quotidienne à son amour (Paroles d’aube, 1998) et Les Visiteuses, suivi de Quelques lilas (Maison de Poésie, 2003). En tant que traductrice, Maximine a publié chez Actes Sud une traduction nouvelle des Élégies de Duino, de Rainer Maria Rilke (1991).

On se souvient du bel hommage que rendit Paul de Roux à Maximine, alors qu’elle n’avait encore publié que deux ou trois recueils : « De nos jours, dans la filiation conjuguée de Louise Labé et d’Édith Piaf, se fait entendre une voix tout à tour passionnée ou plaintive, dont l’un des mérites est de se ficher éperdument des modes littéraires. » L’écriture de Maximine est bien ainsi : aussi virtuose et élégante que Louise Labé, aussi puissante et émouvante qu’Édith Piaf.

Dans un entretien paru en 1992, Maximine laissait entrevoir plus nettement encore le fond tragique de son écriture : « Nos vies nous sont données, et reprises. Des êtres qu’on aime s’en vont. C’est très simple. C’est atroce. C’est l’ombre noire et l’hiver glacé qu’on ne peut plus prendre “à la légère”. Mais la poésie nous aide à nous battre, à vivre « contre » la mort. […] Le “message” est donc bien d’espoir, pas facile certes, mais assez fort pour qu’une joie passe : “Foi temporaire”. »

Somme d’amour donc, autant que de douleur. Et dans une forme régulière, autant que travaillée de forces contraires. Somme d’humanité jubilante et souffrante, vouée tout ensemble à l’extase et à la misère.

On ne sait jamais bien de quel côté va verser le poème: vers la lumière, vers l’ombre, y a-t-il une différence : « Comme une étoile déchirée / On vit… Bon ce n’est pas cela / N’importe C’est à chaque fois / La même parole étonnée // D’avoir trouvé si loin là-bas / L’astre qui brille votre cœur / C’était quoi déjà la douleur ? / Tu m’écris elle est effacée // Pour un instant pour des années / N’importe Voici les pivoines / Et le temps qui croit qu’il me fane / Se trompe Il m’a multipliée »

L’équilibre est précaire, la vie chancelante toujours, comme enivrée d’un trop fort alcool, est-ce pour oublier : « Cent fois mille fois ma douleur / Mille deux trois mille naufrages / Il ne convient plus à mon âge / De courir un autre bonheur // Qu’ainsi bancale radieuse / Aller vive de tant d’amours / Que j’ose la rime toujours / M’en voici première rieuse // Ceux que j’aime ? Ils n’ont jamais su / Pour qui gardai-je ces silences / Peut-être aimer c’est dieu qui pense / Et prend pour lui ce qui s’est tu »

Peut-être aimer c’est dieu qui pense, et prend pour lui ce qui s’est tu…

♦♦♦   Lire l’article de Jean-Yves Masson

Coll. Les Cahiers d'Arfuyen – 2010 – ISBN 978-2-845-90149-0 – 15 €