Stèle pour Heidegger

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Trois essais sur Martin Heidegger

Martin Heidegger est mort le 26 mai 1976 à Fribourg-en-Brisgau, non loin de sa résidence de la Forêt Noire, à Todtnauberg. Roger Munier avait été l’un de ses premiers traducteurs en français. Mais aussi, bien au-delà, il y avait entre eux l’affinité que crée une formation commune. Tous deux avaient, à des époques différentes, suivi des études de noviciat dans la Compagnie de Jésus.

Dès 1979, Roger Munier avait conçu le projet d’écrire un Tombeau de Heidegger, qu’il n’a jamais commencé. Le présent volume, riche de nombreux souvenirs personnels, constitue une méditation sur la pensée du philosophe rhénan telle que Roger Munier l’a saisie. Tout autant, il se présente comme une interrogation sur la vision profonde de Heidegger qui bien souvent donne l’impression, comme l’« être » heideggerien se dérobe dans son apparition même, d’avancer masquée.

Trois textes de Roger Munier comme un mémorial pour ce philosophe qui s’éloigne de nous, avec ses intuitions glorieuses et ses zones d’ombre. Le témoignage de quelqu’un qui l’a bien connu : Todtnauberg 1949, La pensée du Même, L’eau d’oubli.

« Ma première rencontre avec Heidegger, écrit Munier, remonte à août 1949. Je me trouvais à Sankt Blasien, en Forêt Noire, pour y pratiquer l’allemand. C’est un peu par hasard que j’appris la présence non loin de là, à Todtnauberg où il passait la belle saison, du penseur qui exerçait sur moi, depuis les années 40, une si forte influence. (…) Bien des incertitudes subsistaient dans mon esprit touchant le Sein et son énigmatique transcendance. Puisque une occasion aussi inespérée m’était offerte, je décidai un peu follement d’aller soumettre mes perplexités à Heidegger lui-même, dans sa solitude. »

Roger Munier nous livre ici un passionnant portrait du philosophe au naturel, dans sa tanière. Sans excessives précautions : « À cette première rencontre, Heidegger m’avait invité à parler français « à condition que ce soit lentement’’, lui-même s’exprimant dans sa langue, ce qui ralentissait nécessairement l’échange, d’autant que mes questions ne rencontraient pas toujours, à cette époque, le droit fil de sa pensée. Au surplus, ses réponses étaient généralement concises, sans développement inutile. La prudence dans l’énoncé l’emportait sur la glose, la réserve attentive sur le souci d’obtenir l’adhésion de l’interlocuteur.

« Oui, malgré la bonhomie souriante, le côté enjoué, kuinzig, de certaines réparties, la réserve dominait. Une réserve qui pouvait même, à l’occasion, paraître réticence, non devant l’autre, mais presque par-devers lui-même, dans le cheminement propre de sa pensée, comme s’il était alors aux prises avec une difficile zone d’ombre, avec la lèthè dont je ne compris vraiment que plus tard qu’elle est au cœur de toute alèthéia. »

Coll. Les Cahiers d'Arfuyen – ISBN 978-2-908-82518-3 – 9,91 €