« Mon cher Robert »

Correspondances et conversations avec Marcel Proust

Robert de Billy fut durant 30 ans l’un des amis les plus proches et les plus respectés de Marcel Proust. Aîné de l’écrivain de deux ans, il restera toujours pour lui une sorte de conseiller et de mentor.

C’est dès 1890 que Billy rencontre Marcel, à un dîner organisé par le préfet du Loiret. Tous deux sont alors militaires. Billy, élevé dans un milieu rigoriste, est frappé de la liberté de Proust, qui lui apprend « la joie de penser autrement que par principes ». « Marcel, écrit-il, avait à dix-neuf ans la curiosité la plus éveillée et la variété de ses questions était pour moi un étonnement et un embarras. […] Jamais homme ne fut si peu dogmatique. »

Billy restera constamment fidèle à Proust jusqu’à la mort de ce dernier en 1922. C’est pourquoi son témoignage est avec celui d’Antoine Bibesco l’un des plus riches et des plus pertinents. Cela d’autant plus que, doué d’un remarquable talent littéraire et d’une redoutable perspicacité, Billy sait rendre compte d’innombrables facettes de la personnalité de Proust qui nous sont peu connues.

Billy remarque, par exemple, que Proust ne lisait pas beaucoup, mais qu’il ne cessait en revanche de questionner les uns et les autres, emmagasinant tout ce qu’il entendait et voyait avec une prodigieuse mémoire. C’est ainsi qu’il apprenait, avec une boulimie de savoir accrue encore par la conviction qu’il avait de ne pas vivre longtemps. « Il y a quelque chose d’héroïque dans le contraste  qui existe entre le travail minutieux même Marcel s’assujettissait et la persuasion où il vivait du peu de durée qui serait accordé à sa vie. »

Proust n’a cessé d’admirer l’esprit de Billy. L’année même de sa mort, il lui écrit encore : « Vous êtes un grand psychologue et puis c’est si amusant de causer avec vous. » Il ne cesse de lui demander conseil sur les questions les plus diverses : carrière, convenances, diplomatie, bourse. «  Je tiens tant à votre amitié, lui écrit-il,  que je suis peut-être trop craintif à ce sujet.  » Même lorsque Proust se fut coupé du monde, Billy resta, selon Céleste Albaret, « un des plus reçus » boulevard Haussmann et ses visites « duraient trois, quatre, cinq heures, très avant dans la nuit. »

Homme de grande culture et brillant diplomate, Robert de Billy succéda à Paul Claudel comme ambassadeur de France au Japon. Proust insistait pour qu’il écrive un jour ses mémoires, ce que, par une naturelle modestie, il ne voulut jamais faire. Conscient pourtant de la grandeur de Proust et le comparant d’emblée à Montaigne, Billy publia dès 1930, huit ans après la mort de son ami, ses correspondances et conversations avec lui. C’est aujourd’hui la première fois que ce précieux témoignage, publié il y a près d’un siècle, est réédité.

 Coll. Les Vies imaginaires  –  2022  –  17 euros  –  ISBN 978-2-845-900332-6