(234 – 305)
Né à Tyr en 234, Porphyre était d’origine syrienne. Après avoir été le disciple de Longin et étudié à Athènes, il vécut à Rome auprès de Plotin dont il publia les traités, les fameuses Ennéades. Il est l’auteur d’une Vie de Pythagore et d’une Vie de Plotin ainsi que de commentaires sur les œuvres de Platon et Aristote.
Porphyre avait largement dépassé la soixantaine quand il épousa la veuve Marcella, mère de sept enfants. Les langues allèrent bon train. Quoi, c’était là ce philosophe, ce contempteur de la chair, qui toute la vie avait prêché une morale toute pure et spirituelle? On ne pardonnait pas à ce vieillard chenu ce qui n’eût prêté qu’à sourire chez un jeune néophyte. Et cette veuve déjà mûre, que voulait-elle ? Il semble que, sans être riche, elle ne fût pas dénuée de tout bien.
Porphyre et Marcella vécurent dix mois ensemble. Puis « les affaires des Grecs » forcèrent le vieillard de partir. On a pensé que ces mots énigmatiques contenaient quelque allusion à la lutte entre le paganisme et le christianisme, qui se renouvelait alors, et qui devait bientôt aboutir au décret de Nicomédie (303).
Porphyre avait composé un ouvrage en quinze livres contre les Chrétiens. Depuis la mort de son maître Plotin (270), il était assurément le plus en vue des docteurs de l’hellénisme. Ainsi la défense des dieux grecs l’eût appelé auprès de Dioclétien, quelques mois avant la dernière persécution. C’est une simple conjecture, et qui n’est fondée, au vrai, sur aucun argument solide.
Privée de celui qui lui tenait lieu à la fois « de père, d’époux, de maître, de famille, et même, en un sens, de patrie », Marcella perdit courage. Elle dut écrire à son époux des lettres empreintes de tristesse. La Lettre à Marcella traduite par André Festugière, que nous avons ici est la réponse officielle de Porphyre.
Ce qui fait le fond même du christianisme, la doctrine du Verbe incarné, en est du tout absent. Pour Porphyre, comme pour son maître, la seule idée que la Divinité pût prendre chair ici-bas constituait le pire scandale pour la pensée. Mais, à l’heure où le christianisme va triompher, peu d’années avant que la législation impériale n’instaure un ordre nouveau (311-313), voici qu’un païen exprime la moelle de la piété antique en un langage si noble que des lecteurs modernes ont pu s’y tromper. Pour consoler son épouse, un mari absent ne lui parle que de Dieu, de la prière, du recueillement, de l’effort vertueux, de la vie de l’esprit.
Notre âme est le temple de Dieu. Notre vrai moi n’est pas cette enveloppe corporelle que l’œil perçoit, mais l’esprit invisible, semblable à Dieu parce qu’il vient de Dieu, et dont la tâche ici-bas est de se garder pur de toute souillure de la matière pour s’assimiler le plus possible à son Principe.
On a pu dire de la Lettre à Marcella qu’elle est comme le testament philosophique de Porphyre. Il est permis d’y voir aussi le testament spirituel du paganisme. Et c’est une grande leçon.
OUVRAGES PUBLIÉS AUX ÉDITIONS ARFUYEN