Der Aufbruch
Traduit de l’allemand par Philippe Abry et présenté par Charles Fichter – BILINGUE
Le 9 novembre 2013 ont été proclamé les lauréats 2013 du Prix Nathan Katz du Patrimoine, parrainé par le Conseil Régional d’Alsace et l’Office pour la Langue et la Culture d’Alsace (OLCA). Le Prix distingue l’œuvre d’Ernst Stadler (1893-1914), figure majeure de la littérature expressionniste, fauché par la guerre en 1914 à 31 ans. La Bourse de traduction est attribuée à Philippe Abry pour la première traduction intégrale de son chef-d’œuvre, Le Départ (une traduction partielle par Guillevic a été publiée chez Arfuyen en 1983).
Rappelons que Prix Nathan Katz du patrimoine distingue une œuvre du patrimoine littéraire alsacien, du moyen âge à nos jours, écrite en dialecte ou en allemand, afin de témoigner de la richesse exceptionnelle de cette culture. Les précédents lauréats de ce prix ont été : en 2004 Jean Arp (1886-1966) ; en 2005 les frères Matthis (1874-1930/1944) ; en 2006 Alfred Kern (1919-2001) ; en 2007 Geiler de Kaysersberg (1446-1510) ; en 2008 Gustave Stoskopf (1869-1944) ; en 2009 : René Schickele (1883-1940) ; en 2010 Rulman Merswin (1307-1382) et l’« Ami de Dieu de l’Oberland » ; en 2011 Jörg Wickram (1505-1562) ; en 2012 Émile Storck (1899-1973).
« Heym, Trakl et Stadler ont tous trois été enlevés à leur création par une mort précoce, note Karl Ludwig Kirchner. Leur œuvre marque le début de la poésie expressionniste comme aussi elle en épuise les possibilités. » L’œuvre de Stadler comporte quelques-uns des plus beaux poèmes qu’ait inspirés l’Alsace, notamment le texte final sur les statues de l’Église et de la Synagogue de la cathédrale de Strasbourg. Car, pour le poète, la plus émouvante est bien la Synagogue : « J’ai laissé tomber ses cheveux sur ses épaules comme coulerait une pluie blonde, / J’ai cajolé ses mains qui entourent le vieux livre et la lance brisée, / Donné à ses bras pendants la mélancolie des champs de blé ondulant sous le soleil de juillet, / À la douceur de ses pas la musique de l’orgue qui le dimanche se déverse des portes des églises. »
Le 28 juillet 1914, Stadler, mobilisé sous l’uniforme allemand, fit ses adieux à ses amis strasbourgeois réunis dans l’atelier du peintre Henri Beeke : bien après minuit, raconte le peintre, « alors que dehors une garde renforcée faisait sa ronde, retentit soudain dans l’atelier, comme une protestation contre la guerre, la Marseillaise ».
Cent ans après la mort de Stadler dans les premiers mois de la Première Guerre mondiale, il est grand temps de rendre hommage à cet écrivain alsacien de langue allemande, qui étudia à Oxford, enseigna à Bruxelles et fut un véritable européen de culture et de cœur.
C’est dans ce but que le Jury du Prix Nathan Katz a décidé d’attribuer sa Bourse de traduction 2013 à Philippe Abry. Charles Fichter, germaniste et spécialiste de la littérature alsacienne du début du XXe siècle, a donné à cet ouvrage un exceptionnel appareil critique.
Coll. Neige – 232 p – 2014 – ISBN 978-2-845-90198-8 – 14 €