suivi de La Solitude du désert
On se rappelle l’admirable portrait de l’abbé de Rancé par Chateaubriand : « Rancé habita trente-quatre ans le désert, ne fut rien, ne voulut rien être, ne se relâcha pas un moment du châtiment qu’il s’infligeait. Après cela put-il se débarrasser entièrement de sa nature ? Ne se trouvait-il pas à chaque instant comme Dieu l’avait fait ? Son parti pris contre ses faiblesses a fait sa grandeur ; il avait composé de toutes ses faiblesses punies un faisceau de vertus. Selon l’historien de saint Luc, saint Bernard bâtit son édifice sur le fondement d’une grande innocence, Rancé, sur les ruines de son innocence perdue, mais réparée. »
La figure de Rancé n’a cessé de fasciner : après Chateaubriand, l’abbé Bremond lui-même y a été sensible dans le grand livre qu’il a écrit à la gloire de Rancé : L’abbé Tempête, Armand de Rancé, réformateur de la Trappe (Paris, 1929). Mais qui lit l’œuvre de Rancé aujourd’hui ? Et pourtant elle est des plus abondantes et écrite dans une superbe langue, car Rancé était un homme d’une immense culture et d’un grande finesse.
Écoutons-le par exemple parler de la vie monastique : « Il est vrai, mes frères, écrit Rancé, que depuis longtemps Dieu ne regarde plus le désert comme il faisait dans ce premier âge de l’Église, qu’il en a retiré son esprit, et qu’il n’y répand pour ainsi dire plus ses bénédictions ; mais il est vrai aussi qu’il n’a pas renfermé toute l’excellence de la vie monastique dans les seuls Anachorètes. Les grâces dont Jésus-Christ a favorisé les Cénobites ne sont pas beaucoup inférieures à celles dont il les avait comblés. Il n’a pas paru moins admirable dans plusieurs de ces Saints qui l’ont servi dans les monastères que dans ceux qu’il a conduits dans le désert ; l’Église n’a guère moins trouvé de secours et d’ornements dans les uns que dans les autres. »
Les textes ici rassemblés sont extraits du recueil des Maximes chrétiennes et morales, publié en 1698 et constitué de fragments de lettres de Rancé, ainsi que, pour la postface, du fameux traité De la sainteté et de la vie monastique, paru en 1683.
Coll. Les Cahiers d'Arfuyen – ISBN 978-2-903-94151-2 – 8,38 €