« Cette infériorité du beau, tout entière vouée au mensonge que nous ne pouvons pas ne pas porter en nous-mêmes, comment ne pas l’associer à ce paysage de misère que nous ne devrions pas pouvoir supporter, et que sous-entend toute tentative de création. (…)
« qu’est-ce donc que l’honnêteté ; comment imaginer quoi que ce soit qui puisse mesurer la qualité de peur ; est-il vrai que l’on puisse être orgueilleux de sa propre incommunicable qualité de peur (…)
« combien commun est ce dire de la peur et pourquoi demeure à jamais sans espoir toute compagnie devant la peur.
« oui, le savoir est commun lui-même, ce savoir de la peur, science qu’il faut désapprendre chaque instant pour ne pas se séparer de l’autre, et c’est cette science perdue aussitôt qu’apprise qui est la vraie séparation, l’image sans reflet de la solitude. »
Cette lettre à Yaël Cange, datée de janvier 1988, ouvre ce volume des Usages de Alain Maumejean. Elle résule bien la singulière entreprise qui est celle de cet écrivain secret et profondément indifférent à toute littérature, au sens ordinaire de ce terme.
Comme Charles Juliet, comme Roger Munier, comme Alain Suied et tant d’autres écrivains d’Arfuyen, son propos ne vise pas à créer un objet dit littéraire, mais à engendrer par le travail d’écriture ce fond sans fond où est notre réalité.
L’étonnant est que le plus simple, le plus proche soit en nous comme inaccessible par la langue et que toutes nos tentatives, au lieu de nous y acheminer, nous en éloignent souvent plus radicalement encore. L’écriture est donc cette étrange tentative d’utiliser les mots sans se faire renfermer par eux, de parler sans parler, et au fond d’écrire sans écrire.
« oh ! si personne, de son cri, ne peut couvrir ce murmure d’angoisse, comment saurais-je déjà que s’approche quelqu’un ; de nouveau, pourquoi ne pas le dire, pourquoi ne pas céder son propre aveu. l’usage commun nous appartient, nous l’avons en partage, et, chacun, nous nous déchirons à son secret, nous ne le partageons pas. »
Des extraits des Usages ont paru dans le n° 1 de la Revue L’Autre.
Coll. Les Cahiers d'Arfuyen – ISBN 978-2-908-82539-8 – 9,91 €