« Il vient d’écrire le dernier texte, celui qui lui permettrait de ne plus écrire. Or, ce n’est pas qu’il veut cesser d’écrire, mais ce qu’il vient d’écrire… Au plus profond de lui, l’image trouble du seul livre qu’il n’écrira jamais, du message achevé par lequel il rejoindrait son silence. Un seul terme, bien sûr, pour délaisser l’esquisse de cet être, de l’humain déployé dans l’inachèvement, contraint au défaut de ne pouvoir négliger la conscience de sa fin : sa seule mort. »
Ainsi commence le texte d’Alain Maumejean. Dans cette écriture immédiatement reconnaissable, étonnamment précieuse et insistante, qu’on dirait suprêmement «littéraire » et qui lui est si parfaitement naturelle…
Un seul sujet à cette méditation : la mort. Aussi bien en est-il d’autre ? Toute écriture n’est qu’écriture de la mort : contre la mort, avec la mort, pour la mort. Toute écriture est tout à la fois déni et aveu du pouvoir de la mort sur nous.
Comment ne pas écrire sur la mort ? Mais aussi comment écrire sur elle ? Elle est la seule chose à dire et tout à la fois la seule dont on n’ait rien à dire : la seule dont nous ne sachions rien. Jusqu’au bout. Jusqu’à l’instant fatidique, où il est trop tard précisément pour rien en dire.
Ainsi le seul texte à écrire est-il voué dès le départ à l’inachèvement. Et cet inachèvement est ce qui tout à la fois nous permet et nous empêche d’écrire ce qu’il y a à écrire. «Personne. Il veut écrire : Quelqu’un devient personne. Mais il hésite, rature. A la suite, réécrit : Quand quelqu’un devient personne. Alors commence, de nouveau, l’attente. Non, plus rien n’existe que cette page, ces quelques mots. »
Une écriture du côté de Maurice Blanchot et de Louis-René des Forêts.
Coll. Les Cahiers d'Arfuyen – 2001 – ISBN 978-2-908-82591-6 – 9,91 €