Paysages du ciel

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Himmlische Landschaft

Traduit de l’allemand par Irène Kuhn et Maryse Staiber

 

L’écriture de René Schickele, écrit Thomas Mann, est « toujours comme un épithalame qui unirait la France et l’Allemagne. » Figure essentielle de l’expressionnisme, puis romancier de premier plan, René Schickele est tout à la fois l’un des plus grands écrivains de langue allemande de l’entre deux guerres et une figure de proue du patrimoine littéraire de l’Alsace.

Il reste cependant aujourd’hui encore très peu traduit et sa personnalité souvent incomprise. Ses prises de position internationalistes et pacifistes, son éthique de la non-violence, sa dénonciation des totalitarismes de tout bord témoignent de la haute conscience qui anime cette grande œuvre.

L’agressivité avec laquelle les idéologues nazis s’en prirent à ses livres, en les brûlant sur leurs bûchers, confirme combien Schickele a été l’un des plus fermes opposants à toute idéologie nationaliste et, plus encore, fasciste. Dans le même temps, son grand mérite de penseur a été d’ouvrir la voie avec une inlassable énergie à la réconciliation franco-allemande et à la construction européenne.

René Schickele, décédé le 31 janvier 1940, il y aura 70 ans, est aujourd’hui entré dans le domaine public. Trop longtemps son œuvre a été l’otage d’injustes polémiques qui l’ont utilisée tour à tour comme porte-drapeau ou comme repoussoir. Il est grand temps de jeter sur cette œuvre et cette personnalité un nouveau regard. C’est dans ce but que la Bourse de Traduction 2009 du Prix Nathan Katz du patrimoine  a été attribuée à Maryse Staiber, directrice de l’Institut d’études allemandes de l’Université de Strasbourg et spécialiste de l’œuvre de René Schickele, et à Irène Kuhn, professeur émérite et spécialiste de l’œuvre de Brecht.

Paysages du ciel (Himmlische Landschaft) est traduit pour la première fois en français. À travers cette sorte de journal de bord où sont consignées impressions, souvenirs et anecdotes, il est possible de découvrir un autre Schickele, attachant de simplicité et proche des réalités du quotidien.

C’est un ami peintre qui lui fait découvrir Badenweiler, au pied de la Forêt-Noire. En sa compagnie, l’écrivain alsacien retrouve les paysages de son enfance, avec leurs collines, leurs forêts et leurs vignes. C’est l’esprit même du pays alémanique qui lui apparaît de façon symbolique : Schickele y voit un seul et « grand jardin ». Son regard porte loin vers les Vosges, la Suisse et même jusqu’en Provence – il s’agit d’un « paysage ouvert ».

Rétrospectivement, ces pages prennent une signification prophétique : face à la montée du national-socialisme, Schickele quittera Badenweiler dès l’automne 1932 pour ne plus jamais y revenir. Il passera les dernières années de sa vie dans le Sud de la France où il mourra, à Vence, en janvier 1940. Les dernières pages de Himmlische Landschaft s’intitulent précisément L’Adieu. Lorsque paraîtra Himmlische Landschaft à Berlin en 1933, Schickele aura déjà quitté Badenweiler et son « arche » en pays alémanique, prise une fois de plus au cœur de la tempête.

♦♦♦   Lire l’article de Jacques Fortier

Coll. Les Cahiers d'Arfuyen – 2010 – ISBN 978-2-845-90146-9 – 12 €