Sur « Blasons de l’instant »

WALTER 1

La lecture de Jean-Claude Walter

Extraits de l’article sur Blasons de l’instant paru dans la Revue Alsacienne de Littérature en janvier 2002

C’est un livre qui nous emmène doucement, sûrement, vers un point de réflexion – de prise de conscience –, et qu’une relecture même attentive ne suffit pas à épuiser. Livre de grande richesse, et de rigueur.

Contre la fuite, les faux-fuyants, l’inconscience et le découragement, contre la pulsion de mort et son cortège de fantômes, cette parole nous dit en toute simplicité : vivez. Scrutez l’instant, aimez ce moment qui vient, apprivoisez le présent, pour vivre pleinement, Pour être, en toute lucidité. « Cela seul doit nous importer : être présent au présent. Présence dans la présence. »

Et cela se fait par un mouvement « naturel » du texte – entre la première phrase, « C’est l’instant de vivre », et la dernière, page 135, en neuf chapitres qui vont du « désir » à la «danse » et à « l’urgence de la parole ». Et cette progression lente mais obstinée d’un verbe qui ne s’accorde ni répit ni repos, nous entraîne toujours plus avant – pour nous dire l’essentiel.

Soyez attentif à votre désir, ce désir qui vous résume tout entier, pour cette appréhension du moment présent. Soyez lucide, écoutez votre corps, votre sentiment, le message de l’Autre en vous – l’ami, le dieu vivant que la parole réveille et révèle tout au long de ce chant, comme une longue phrase unique, qui est en mouvement. Une antienne. Une prière. « Qu’elle monte par nos voix vers le ciel, cette prière dont nous ignorons tout, cette quête mystérieuse dont nous porte le désir… »

Où le poète s’efface volontairement : il n’emploie jamais le « je », mais préfère le « tu » du dialogue, ou le « nous » comme un lien, une pensée partagée, une démarche solidaire. Ainsi la phrase s’élève en prose et nous emmène, puis devient cursive dans le poème, pour laisser agir les mots, l’interrogation salis cesse reprise et poussée plus loin, jusqu’aux extrêmes. Pas de leçon, mais une quête. Pas de réponse directive, mais une expérience basée sur l’usage de la parole, la méditation, et, nous y revenons, la prise de conscience.

Dans l’âpre combat avec le temps, Gérard Pfister opte pour la célébration du présent : «Dans cette étrange limpidité de l’instant il nous est donné parfois, il nous est donné vraiment, de vivre de la vie divine. »