Sur Entrées en échanges

ALHAU

La lecture de Max Alhau

Extraits d’un article sur Entrées en échanges paru dans Aujourd’hui poème en janvier 2005

Dialoguer avec les paysages, avec la mer, y fondre son regard, y mêler son souffle, y saisir l’essentiel de la vie et de la poésie, c’est peut-être une des caractéristiques de la démarche de Pierre Dhainaut dans ce livre admirable tout empreint de sagesse. Dès la première partie, « Dans la maison des seuils », Pierre Dhainaut tire des « choses » une leçon d’humanité grâce à une observation aiguë de ce qui l’entoure. Il dit la mouvance des êtres, leur aspect éphémère. Attentif aux horizons qui s’ouvrent devant lui, il entreprend de se fondre avec l’éternité de l’instant ou alors de conquérir cette force qui a nom poésie et qu’il puise dans le contact avec un galet :

en le touchant, nous apprenons
à faire sourdre, à recueillir l’ardeur, très bas,
pour la communiquer aux sommets ou aux lames.

Pierre Dhainaut invite aussi le lecteur à se porter vers une réalité à laquelle chacun doit tant. D’où ce message de réconciliation avec soi qu’il délivre, ce désir de laisser libre cours aux élans, aux émotions sans que l’écriture n’en soit affaiblie. C’est qu’il convient, rappelle-il,  « de devenir tout le visible », en somme de ne rien abandonner à l’opacité, à la nuit. Aussi, n’est-ce pas l’intérêt manifesté à l’enfance qui permet cette juxtaposition des différents moments de la vie d’un enfant, déclare-t-il,

L’éphémère,
la mémoire nous divisons, lui nous prête le sens,
l’enchantement du sens fidèle à l’un et l’autre.

Et toujours chez Pierre Dhainaut se devine le goût de la découverte, celui de se porter en avant de la beauté, de la ’splendeur’ qui est contenue dans le monde. dans la poésie. À propos de celle-ci, il faut méditer la reconnaissance que lui manifeste le poète. La partie intitulée « Légère avance du poème » constitue une suite de réflexions sur la création et ses mystères. On découvre dans ces pages non seulement lucidité dans l’expression de la poésie mais encore aspiration à la soumission. Ainsi Pierre Dhainaut écrit : « Si vif l’esprit d’obéissance, si vive aussi l’exaltation, le poème ne perçoit aucune différence, ils lui sont nécessaires à parts égales. »

C’est que l’acte poétique nécessite une sorte de repli sur soi, un abandon de ce qui n’appartient pas au poète mais à la poésie, aux mots. L’ardeur du poète en face de la poésie, certes Pierre Dhainaut la revendique, mais il réclame avant tout de la générosité à l’égard de l’écriture. En somme la poésie, dans sa réalisation, se doit d’être à l’image d’une vie guidée par un idéal, celui qui ras¬semble tout l’humain. Si l’on devait extraire une phrase résumant la démarche et l’exigence de Pierre Dhainaut, le passage de soi à la poésie et sa propre disparition, dans un double mouvement, ce serait peut-être celui-ci : « Qu’une voix ranime le poème et s’y ranime, ce n’est plus la tienne, c’est vraiment la tienne. »

Toute l’ambiguïté de la création se trouve exprimée ici, toute sa force également. La poésie de Pierre Dhainaut, dans ce livre, irradie de toute part, son écriture, fluide, ne se contente pas d’appréhender la réalité, elle la transcende et ramène le poète vers l’homme : la reconnaissance, la générosité, la lucidité du regard permettent d’échanger avec le lecteur ce qui est plus que des mots : une volonté d’être au monde.