Sur Pâque de l’univers

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La lecture de Patrick Kéchichian

Extraits d’un articles sur Pâque de l’univers paru sur le site de la Procure en décembre 2010

Et si l’on convenait que la foi est un double mouvement, d’expansion et de concentration, d’inspiration autant que d’expiration, de souffle donné et repris (lisez à ce propos le beau livre récent de Jean-Louis Chrétien, Pour perdre et reprendre haleine, Bayard, 2009), que son lieu est partout, dans le cœur aussi bien que dans l’univers ? Un pas encore, et l’on admettrait sans beaucoup d’effort que ce mouvement, en réalité, est unique et que le cœur de l’homme et celui du monde sont intimement solidaires. Et que d’ailleurs la Révélation ne dit rien d’autre. Que le grand récit de la Création et celui de l’Incarnation du Verbe se suivent et se ressemblent.

Généralement, ces questions sont laissées aux spécialistes, et le néophyte – l’auteur de ces lignes en est un – ne s’aventure pas dans de tels territoires de pensée. Mais c’est précisément là qu’intervient un jeune homme de 83 ans, Jean Bastaire, pour nous débarrasser de toute timidité. Pour secouer notre égoïste quiétude, sans pour autant nous attirer vers de suspects vertiges. Depuis une vingtaine d’années, ce fils de l’École républicaine, grand spécialiste de Charles Péguy, poète et penseur qui a définitivement réconcilié intelligence et générosité, foi et énergie vitale, se bat Pour une écologie chrétienne – un de ses livres porte ce titre (Cerf, 2004).

À l’écoute des Saintes Écritures, de Teilhard de Chardin et de Claudel, mais aussi de toute la tradition, des Pères de l’Église à saint François d’Assise, il démontre inlassablement que la Terre n’est pas l’espace de notre exil ou de notre relégation mais le royaume, la maison que Dieu nous a confiée. Loin de tout panthéisme, il nous invite à considérer qu’« aucune opposition n’existe entre la matière et l’Esprit, pas plus qu’entre l’argile et le potier ». Pour avoir un sens, le salut doit aussi être celui de toute la Création, et « tenir ensemble les deux bouts du mystère de l’Incarnation ». Comme le Christ réunit « les deux natures, terrestre et céleste, humaine et divine ».

Les deux livres que Jean Bastaire publie aujourd’hui prennent place parmi la dizaine d’ouvrages – essais et anthologies – qui figurent déjà dans le chapitre « écologie » de sa riche bibliographie. Le premier, La Création, pour quoi faire ? est une réponse à la dangereuse naïveté des courants créationnistes. Mais plus qu’une thèse ou une démonstration, c’est une méditation haute et large, informée et chaleureuse, que nous propose l’auteur.

Pâque de l’univers est un livre plus intime et mystique, mais qui regarde vers le même horizon. Citons ces quelques phrases : « Le salut n’est pas de s’évader du temps, mais de l’assainir. Le temps malade est guéri par l’éternité. (…) Le mal obstrue cet élan. L’éternité est étouffée dans un temps qui ne respire plus à son rythme initial et finit par expirer sur les lèvres du créé… » Ou celles-ci : « Innocente de la faute humaine, la création entière est crucifiée avec les hommes. Le Christ ne laisse rien hors du pouvoir de sa vulnérabilité… »

Certains livres nous donnent des forces neuves, une énergie dont nous nous ignorions capables. Ainsi ceux de Jean Bastaire.