La lecture de Jean-Pierre Jossua
Extraits d’un article sur Gérard Pfister paru dans le Bulletin de théologie littéraire en janvier 2002
La poésie de Gérard Pfister est parvenue à sa maturité. Comment la définir autrement que comme une poésie mystique pleine de pudeur ? Au premier plan tout proche, les saisons au bord du Rhin : un buisson, les cerisiers en fleur un matin, la nuit et une étoile, le bois comme mort, la neige et la primevère qui semble en être née, le merle matinal, le temps de Toussaint, le jardin immobile sous une douce lumière. Au second`plan, une expérience d’absolu tout proche dans l’insolite et la beauté de cette nature (« Je viens / dit la beauté / je viens à toi ») :
Il y avait
cet unique buisson
Comme si tout
était lavé du monde
Comme si nos mots
pouvaient habiter cette lumière.
Une autre lumière qui surgit dans l’intime, de nuit, ou qui, venue on ne sait d’où, demeure seule dans le jardin immobile. L’instant de vie immortelle qui est en moi aujourd’hui, sans autre but que lui-même. La nostalgie de rentrer dans l’unité, alors que nous sommes déchirés entre « l’un et l’autre ». Plus profond encore, un dialogue d’amour avec Celui dont l’ « absence est plus belle / Que le jour le plus beau », le non nommé, le tout proche ; le buisson ardent, l’étoile unique, le point de conscience noyau de pure énergie, l’autre Voix, l’autre unique qui est déjà là dans l’instant, le Tu dont notre visage et même tout le visible porte les traits. Et toujours la beauté qui nous habite, se dérobe, revient pour inviter à voir et n’est pas vaine promesse. Toujours une vie éternelle, proche de celle des morts « qui sont plus vivants que nous ». En fait, « Il n’y a qu’un instant / Un seul / En son sein / Nous voici […] / Nous sommes déjà morts / Déjà vivants / […] Dans l’instant / Tout est accompli ».