Sur « Blasons de l’instant »

dubrunquez

La lecture de Pierre Dubrunquez

Extraits d’un article sur Blasons de l’instant paru dans Poésie 99

Gérard Pfister nous offre avec son treizième livre un peu comme la somme des précédents : 99 textes alternant chacun prose et poème, 99 regards sur le mystère de l’instant, c’est-à-dire, proprement, sur l’Ineffable, 99 en mémoire de ce centième Nom de Dieu qui, selon la Tradition, nous reste à jamais inconnu.

« Nous voici face aux choses, face à nous-mêmes. Notre face tournée vers l’instant. La face de l’instant tournée vers nous. Et c’est comme si rien n’avait lieu. Rien ne se passe. Rien ne parle. Nous restons interdits. » Ainsi débute « Le désir », première des 9 parties (« L’abîme », « Le miroir », « Le ciel », « L’autre », « L’oubli », « L’offrande », « La présence », « La danse ») qui composent ce livre-itinéraire vers la parole et celui qui la prononce : «L’urgence de la parole. Le mouvement vers toi qui appelle. Qui veut louer. Qui veut aimer. Qui veut vivre. Le besoin d’apprendre, mot à mot, la parole. »

Quel est donc celui qui, à l’ultime page du livre, nous initie ainsi au poème de vivre ? Dieu ou ange ? Gérard Pfister ne répond pas dont le dieu est ce « dieu d’abîme » de la source rhéno-flamande qui est la sienne. Il se contente d’invoquer « l’ami qui est auprès de toi ». « Qui est-il ? Tu ne sais, qu’importe. Il te connaît mieux que toi-même. » II est l’ami qui « court et bondit, (qui) danse, et sa joie est de donner à la voix de l’ami son haleine, de donner son regard à !a vision de l’aimé ». Il est notre double lumineux dont un abîme nous sépare mais qu’on rejoint dans le « corps limpide de l’instant », dans ces moments d’abandon à la « grâce insaisissable du présent » qui constituent autant de « blasons » de l’homme éternellement à venir.