La lecture de Christian Bach
Extraits d’un article sur Marcel Weinum et la Main Noire paru dans les DNA en octobre 2007
C’étaient des « ados », au mieux de jeunes adultes. De septembre 1940 à mai 1941, ils ont constitué à Strasbourg un réseau de résistants à l’occupant nazi. Marcel Weinum, qui en fut le fondateur, a été décapité en avril 1942. Il avait 18 ans.
Nul ne sait vraiment pourquoi ce réseau s’appelait « La Main Noire ». Ni pourquoi, précisément, le jeune homme qui l’a fondé, Marcel Weinum, né à Brumath en 1924, dont le père tenait un commerce au Neudorf, a basculé dans la résistance. Quelle est la part du général à la retraite rencontré par Weinum pendant l’évacuation en Dordogne ? S’agit-il d’une réaction à la politique d’assimilation de l’Alsace annexée, puisque Weinum a été licencié pour avoir refusé d’intégrer l’Opferring (« cercle du sacrifice », antichambre du parti nazi) ?
De nombreuses interrogations entourent encore cette histoire, même si les témoignages, les extraits de justice compilés par les éditions Arfuyen dans un livre hommage qui vient de paraître, permettent d’y voir plus clair.
« La Main Noire » était un réseau de jeunes apprentis, de fils de cheminots ou d’ouvriers, d’anciens enfants de chœur. Pas d’intellectuels dans leurs rangs. Ils étaient une trentaine, recrutés par Marcel Weinum à partir de septembre 1940 parmi des amis d’enfance de Brumath ou rencontrés à la maîtrise de la cathédrale, à Strasbourg. L’instigateur de ce mouvement était porté par sa profonde foi chrétienne. Il la revendiquera jusqu’au dernier jour, jusqu’à l’heure de son exécution, donnant ainsi un sens tout particulier à son sacrifice.
« La Main Noire » s’en prenait à tout ce qui symbolisait l’annexion nazie : le réseau faisait exploser les vitrines strasbourgeoises où trônaient des portraits du Führer, distribuait des tracts. On apprendra plus tard – les faits n’étaient pas officiellement reprochés à Weinum – qu’il avait avec un adolescent de 14 ans, Albert Uhlrich, jeté des grenades dans la voiture du Gauleiter Robert Wagner qui dînait dans un restaurant près de la place Karl-Roos (place Kléber). Cela s’était passé un 8 mai, en 1941…
Weinum – avec la complicité d’un jeune orphelin d’origine polonaise, Ceslav Sieradzki, exécuté à 16 ans en décembre 1941 au camp de Schirmeck – tentait aussi de nouer des relations avec les services anglais. C’est d’ailleurs un déplacement à Bâle qui vaudra aux deux jeunes d’être arrêtés en mai 1941 et au réseau de « La Main Noire » d’être démantelé.
Marcel Weinum sera condamné à mort le 31 mars 1942 à Strasbourg et exécuté le 14 avril à Stuttgart. Ses amis connaîtront l’humiliation de l’incorporation de force.
En 2002, Ceslav Sieradzki s’est vu attribuer la mention « Mort pour la France ». Il n’a pas de tombe. Au Neudorf, une rue porte le nom de Marcel-Weinum et son corps repose au cimetière du Polygone. Dans une de ses premières lettres à ses parents, après son arrestation, le tout jeune Marcel écrivait : « Cela me fait mal que vous pensiez que ce sont des gamineries. NON, chers parents, vous devez me comprendre. »