Sur Le Rabbi de Kotzk

La lecture de Jacques Pineault

Extraits d’un article sur Le Rabbi de Kotzk paru dans le Bulletin de spiritualité monastique (2018/3)

Du XVIIIe jusqu’au début du XXe siècle, le hassidisme est l’un des courants les plus marquants de la philosophie juive, dont l’influence a été essentielle : « un hassidisme porté sur l’étude de la Thora et du Talmud, et ce qui est essentiel pour Rabbi Menahem Mendel, sur la nécessité pour chacun de trouver sa propre voie vers Dieu » (p. 14).

Après Les Lettres de la création (2006), les Éditions Arfuyen ont commencé de travailler avec l’éminente spécialiste qu’est Catherine Chalier à une suite d’ouvrages consacrée aux grandes figures du hassidisme. […] Grâce aux présentations et traductions de l’hébreu de nombreux textes inédits, réalisées par la série consacrée au hassidisme dans la collection Les Carnets spirituels, il est possible d’entrer au cœur de l’œuvre de ses plus grands penseurs, qui désiraient « devenir […] un lieu où puisse habiter l’inspiration de la Chekhina, de la présence divine » (p. 20). Car, prétend-on, « dans la Torah, le sens littéral véritable est aussi son sens secret » (p. 72). […]

Deux ouvrages ont paru à ce jour : Kalonymus Shapiro, rabbin au Ghetto de Varsovie (2011) et Aux sources du hassidisme, le Maggid de Mezeritch (2014). Le troisième ouvrage de cette série est consacré à une figure majeure du hassidisme, le Rabbi de Kotzk. Après une longue présentation de sa pensée, Catherine Chalier donne ici la traduction d’importants extraits de ses deux grands ouvrages : le Livre de la colonne de la vérité (Sefer Amud haEmet) et le Livre de la vérité et de la confiance (Sefer Emet veEmouna). C’est dans cette dernière œuvre qu’on trouve cette pensée réconfortante : « Si, à un moment donné, on prie avec une certaine attention, cette prière entraîne avec elle toutes les autres prières sans attention qui ont précédé ce moment, elle les élève jusqu’au trône des cieux, qu’il soit béni. Ces prières forment alors un unique et bon ensemble sous le rideau céleste » (p. 101).

Comment vivre l’amour de Dieu de façon absolument désintéressée et dans une lucidité qui éclaire tous les replis cachés de soi ? Pour le Rabbi de Kotzk, l’homme doit avancer « un pied dans le ciel, un pied sur la terre » en se sachant « entouré par l’abîme » (p. 48). Sa pensée forte et exigeante s’exprime dans de nombreux aphorismes brillants et pessimistes, tels que celui-ci : « Pour sauver Sodome, il fallait dix justes ; pour renverser le monde et tout ce qui s’y trouve, il suffit d’un seul idiot » (p. 67).

Le Rabbi de Kotzk, Menahem Mendel Halperin Morgenstein, est né en 1787 à Goraz (actuelle Pologne), dans une famille d’opposants au hassidisme. En 1803, il se rend à Lublin auprès du célèbre « Voyant de Lublin » (p. 40) sur les talents de thaumaturge sur lequel il porte un jugement sévère. Il quitte le Voyant sans son autorisation pour étudier avec l’un de ses disciples, dit « le saint Juif », chez qui il trouve le hassidisme exigeant qu’il cherchait, fondé d’abord sur l’étude et un « enseignement relatif à une présence de Dieu partout dans l’immanence de la création » (p. 17). À la mort de ce dernier, en 1813, il s’attache à son disciple Rabbi Simha Bunem, avant de le remplacer à sa mort. […]

En 1828, il va continuer son enseignement à Kotzk « pour entamer un chemin spirituel » (p. 21), « se confronter à un Dieu de vérité (Jr 10,10)  » (p. 39). […] En 1839, il se retire dans une pièce de sa maison où il reste cloîtré « entre l’étude et la prière » jusqu’à sa mort en 1859, ne recevant que très peu de visiteurs (p. 47). « La quête de la vérité (émet), tel était en effet le sens par excellence du chemin, ardu et solitaire, du Rabbi de Kotzk » (p. 16).