Ainsi parlait Paul Valéry

Textes choisis et présentés par Yves Leclair

Paul Valéry (1871-1945) a laissé une œuvre immense : essais, dialogues, aphorismes, poèmes, lettres. Sans compter les 28000 pages de ses Cahiers encore très largement inédits. Son intelligence lumineuse et son intégrité morale ont fait de lui une conscience de son époque. Jamais pourtant il n’a été dupe ni prisonnier des honneurs dont on l’a accablé.

Valéry est un éveilleur. Écoutons Rilke : « Un jour, j’étais seul, j’attendais, toute mon œuvre attendait. Un jour j’ai lu Valéry, j’ai su que mon attente était finie. » Quelle plus belle leçon de liberté et d’humour que celle de Monsieur Teste : « Je me suis rarement perdu de vue ; je me suis détesté, je me suis adoré ; puis nous avons vieilli ensemble. » Mais aussi quelle autodérision, quel vertige dans cette auto-analyse incessante !

Le 25 juillet 1945, sur l’esplanade du Trocadéro étaient célébrées les obsèques nationales de Paul Valéry. Deux projecteurs placés au pied de la tour Eiffel dessinaient un gigantesque V dans le ciel, unissant dans un même hommage l’initiale du nom de l’écrivain et la victoire sur l’Allemagne nazie. C’est De Gaulle lui-même qui avait ordonné ces obsèques nationales.

« Valéry, soulignait Georges Duhamel dans le discours prononcé ce soir-là au nom de l’Académie française, n’a cessé de nous rendre sensibles les prestiges de l’intelligence souveraine, pour l’honneur et pour le salut de nos sociétés en péril. » Nos sociétés sont aujourd’hui tout autant en péril et nous avons plus que jamais besoin de l’héritage que nous a laissé Valéry. Mais qui lit encore l’œuvre immense de Valéry ?

« L’humanité, écrivait-il, s’en tirera comme elle pourra. L’inhumanité a peut-être un bel avenir… » L’inhumanité étend de jour en jour son emprise sur nos vies et Valéry mieux que quiconque peut nous aider à y résister. « La plus grande liberté, écrit-il, naît de la plus grande rigueur. »

En notre temps où la vérité semble devenir indémêlable du mensonge, la leçon de Valéry nous est essentielle : « J’ai ressenti et entretenu, note-t-il, à partir de 1892 une haine et un mépris pour les Choses Vagues, et leur ai fait une guerre impitoyable en moi durant toute ma vie. » Est-il plus belle, plus simple leçon de liberté ?

L’écrivain Yves Leclair nous introduit dans cette pensée audacieuse et libératrice : « Si je vous ai bien entendu, écrit-il au terme d’une riche et passionnante préface, faire le procès verbal de la sottise humaine, au nom de l’intelligence éblouissante, dans notre comédie d’ignorants aussi fortuite et futile qu’une charade, il me semble, maintenant, entendre retentir, au sommet de votre arbre de science, un immense rire d’ironie socratique devant l’éternité ennuyeuse de notre médiocrité. »

    Coll. Ainsi parlait – 176 p. – 2021 – 14 euros – ISBN 978-2-845-90312-8