Ainsi parlait Montaigne

Dits et maximes de vie choisis et présentés par Gérard Pfister

Dans un XVIe siècle marqué par les guerres religieuses et l’obscurantisme – et ne revenons-nous pas aujourd’hui à de telles époques ? –, Montaigne (1533-1592) est l’exemple d’un homme lucide et juste. Dans tous les domaines – la politique, la religieux, la vie privée –, sa réflexion très libre et personnelle nous reste plus que jamais indispensable.

C’est ainsi que le ressent Stefan Zweig : après avoir cherché toute sa vie un modèle de liberté et de tolérance, il découvre Montaigne au printemps 1941, un avant sa mort. C’est un coup de foudre : « Montaigne aime démesurément la vie, écrit-il. La seule crainte qu’il connaisse est celle de la mort. Et il aime dans la vie toutes les choses comme elles sont. » Innombrables sont ceux qui se sont nourris de la sagesse de Montaigne. Comme Shakespeare symbolise la littérature anglaise, on peut dire que Montaigne est comme un condensé de la littérature française. Shakespeare lui-même, son cadet de 30 ans, ne lui a-t-il fait des emprunts ?

Comme Proust, Montaigne est l’homme d’un seul livre, d’un livre auquel il s’identifie totalement mêlant inséparablement autobiographie, création et philosophie. Comme Proust, Montaigne est aussi avant tout un psychologue et un moraliste. Et comme Proust, il jouit d’un statut très particulier dans la littérature française : plus qu’un écrivain, c’est un confident et un ami. On le garde auprès de soi pour le lire et le relire.

Montaigne ne cesse lui aussi de relire ses chers Sénèque et Plutarque. Sur les poutres de sa bibliothèque, il a fait peindre ses aphorismes préférés. Il n’est pas d’auteur dont l’œuvre soit plus riche de « dits et de maximes de vie » : et c’est là l’embarras : comment choisir ?

Il faut choisir cependant. Car la lecture des Essais, il ne faut pas le cacher, est rendue difficile par les innombrables digressions de l’auteur mais surtout par la langue du XVie siècle, fantasque et truculente, mais souvent obscure. L’utilité du présent livre est d’abord de donner l’essentiel des Essais en en gardant au plus près la saveur de leur langue, mais de les rendre d’un accès facile et agréable.

Mais l’apport du présent ouvrage se situe aussi sur un autre plan. On n’a pas suffisamment mesuré l’influence décisive et libérante qu’a eue sur la pensée et le style de Montaigne son long voyage en Italie. Montaigne parle et écrit l’italien, et place au plus haut la littérature en cette langue, de l’Arioste à Balthasar Castiglione. La préface de Gérard Pfister montre de façon éclairante tout ce que la fameuse « nonchalance » de Montaigne doit à la sprezzatura de Balthasar Castiglione.

      Coll. Ainsi parlait – 192 pages – 2022 – ISBN 978-2-845-90323-4 – 14 €