Sur « Ainsi parlait André Gide »

La lecture de Pierre Tanguy

Extraits d’une article sur Ainsi parlait André Gide paru dans la revue Diérèse, n° 85, automne-hiver 2022

Nous amener à lire André Gide (1869-1951) sous un jour nouveau, avec un œil neuf. C’est la réussite de cet ouvrage de « dits et maximes » du grand écrivain français sélectionnés par le poète Gérard Bocholier dans l’ensemble de son œuvre (romans, journaux…). […] « Je ne suis qu’un petit garçon qui s’amuse, doublé d’un pasteur protestant qui l’ennuie . » André Gide était, à sa manière, un homme des paradoxes. Mais ce qui sous-tend toute son œuvre, c’est son souci permanent de sincérité, une vertu qu’il qualifiait de cardinale parce qu’ « à la racine de toute morale authentique », note Gérard Bocholier.

Cette sincérité on la trouve avant tout dans une œuvre placée sous le signe du naturel et de la vie authentique. « La chose la plus difficile, quand on a commencé d’écrire, c’est d’être sincère », notait Gide dans son journal. « La poésie, cesse de la transférer dans le rêve ; sache la voir dans la réalité, et si elle n’y est pas encore, mets-l’y », écrivait-il encore dans Les Nouvelles Nourritures en 1935. […]

Cette sincérité concerne aussi, bien sûr son homosexualité affichée. À l’heure de MeToo, les opinions de « l’immoraliste » Gide prennent – il faut le dire – un relief particulier. « Songez que dans notre société, dans nos mœurs, écrit Gide, tout prédestine un sexe à l’autre ; tout enseigne l’hétérosexualité, tout y invite, tout y provoque » (…) « La vérité est que cet instinct, que vous appelez contre nature, a toujours existé, à peu près aussi fort, dans tous les temps et toujours et partout – comme tous les appétits naturels.  »

Ce qui fait dire à Gérard Bocholier que « Gide prophétisait les révolutions des mœurs qui agitèrent la seconde moitié du XXe siècle et qui continuent dans notre XXIe siècle ». Pour autant il ne manque pas de relever que la « pédérastie » revendiquée par Gide (on dirait aujourd’hui pédophilie) entraînerait aujourd’hui des conséquences judiciaires.

De l’œuvre de Gide, ici découpée au scalpel, émerge aussi une vision particulière et plus que décapante de la religion. Né dans un milieu protestant, Gide avait pris ses distances avec ses racines (comme il le fera, plus tard, avec le communisme). « Le catholicisme est inadmissible. Le protestantisme est intolérable. Et je me sens profondément chrétien », écrivait-il. Et c’est sur ce thème que la modernité et la sincérité de Gide éclatent aussi au grand jour. […]