Joyeuses histoires à lire en diligence

460

Das Rollwagenbüchlin

Traduit de l’allemand du XVIe siècle et présenté par Catherine Fouquet

Le 12 novembre 2011 ont été proclamés les lauréats 2011 du Prix Nathan Katz du patrimoine et de sa Bourse de traduction, parrainés par le Conseil Régional d’Alsace et l’Office pour la Langue et la Culture d’Alsace (OLCA). Le Prix distingue l’œuvre du grand écrivain colmarien Jörg Wickram (1505-1562), romancier, dramaturge et poète, l’un des auteurs phares de la Renaissance en Alsace. La Bourse de traduction est attribuée à Catherine Fouquet pour la première traduction française des Joyeuses histoires à lire en diligence, le Rollwagenbüchlin (1555), le chef-d’œuvre de Jörg Wickram.

Rappelons que le Prix Nathan Katz du patrimoine distingue une œuvre du patrimoine littéraire alsacien, du moyen âge à nos jours, écrite en dialecte ou en allemand et encore peu ou pas traduite en français, afin de témoigner de la richesse exceptionnelle d’une culture profondément marquée par le dialogue des langues et des cultures. Les précédents lauréats de ce prix ont été en 2004 Jean Hans Arp (1886-1966) ; en 2005 Albert et Adolphe Matthis (1874-1930/1944) ; en 2006 Alfred Kern (1919-2001) ; en 2007 Jean Geiler de Kaysersberg (1446-1510) ; en 2008 : Gustave Stoskopf (1869-1944) ; en 2009 : René Schickele (1883-1940) ; en 2010 Rulman Merswin (1307-1382) et l’« Ami de Dieu de l’Oberland ».

Il existe en allemand deux éditions complètes modernes des œuvres de Wickram : d’une part, les huit volumes édités par Bolte à Tübingen (1901-1906) et réédités à New York en 1974 ; d’autre part, les 13 volumes édités par Roloff à Berlin et New-York de 1967 à 1990. Comme pour Geiler ou Merswin, aucun livre n’était à ce jour disponible en français.

Les Joyeuses histoires de Jörg Wickram remportèrent dès leur parution un vif succès et n’ont cessé d’être rééditées tout au long du XVIe siècle. Wickram dut ajouter aux 67 facéties de la première édition 43 histoires nouvelles. Ces Joyeuses histoires ont été écrites, dit Wickram, uniquement « dans un but de pur et bon divertissement » sans prétendre « ni instruire ni d’édifier ». Il s’agit de désennuyer ceux qui sont amenés à voyager en diligence, femmes honnêtes et respectables, jeunes filles mais surtout marchands se rendant sur les foires européennes. En somme ce livre est le grand ancêtre de la moderne « littérature de gare ».

Mais le grand mérite de Wickram est de donner une image vivante et étonnamment réaliste de la société de son temps. Il convoque marchands et artisans, barbiers, tailleurs, imprimeurs, artistes peintres ou aubergistes, sans oublier les paysans et le clergé.

Une remarquable unité géographique assure la cohérence du livre : bien des lieux dans lesquels Wickram situe ses récits sont en Alsace ou dans le pays de Bade, mais il se plaît aussi à suivre aussi les marchands dans leurs pérégrinations dans le Brabant, à Venise ou à la foire de Francfort. Il aime également évoquer l’histoire récente : la défaite des Suisses à Marignan, la Diète d’Augsbourg de 1530 ou la Guerre des Paysans avec la prise de Saverne en 1525.

Wickram excelle dans le comique d’action. S’il se dégage d’eux une morale, elle ne vient toutefois jamais alourdir le récit. Son grand mérite est de nous captiver grâce à une langue simple mais alerte, teintée de son dialecte bas-alémanique, riche en proverbes allemands et en dictons alsaciens toujours bien choisis.

Coll. Les Cahiers d'Arfuyen – 2012 – ISBN 978-2-845-90170-4 – 13 €