Récit
La Lune noircie, premier ouvrage en prose d’Anise Koltz, est publié à l’occasion du Prix Jean Arp de Littérature Francophone qui lui a été décerné à Strasbourg en novembre 2008.
La concision et la violence de l’écriture d’Anise Koltz la rapprochent de l’Italienne Margherita Guidacci, qui fut parmi les auteurs fondateurs du catalogue des Éditions Arfuyen. La singularité de son univers apparaît avec une intensité plus forte que jamais dans le présent ensemble, La Lune noircie. C’est à l’univers d’un William Faulkner que l’on pense tant les images sont âpres et crues. L’ouvrage est constitué de trois récits qui se répondent en un subtil mélange d’autobiographie et de rêve : La Lune noircie, Lève-toi et marche et L’Irlande.
Dans le court texte qui ouvre le premier récit, Anise Koltz livre une vision de l’homme marquée par la souffrance et la désillusion : « Suspendu par les pieds dans le vide tel un morceau de boucherie, gluant des sucs de sa mère et recouvert de sang qui n’est pas le sien, la première vision de l’homme est celle d’un monde à l’envers. Pourra-t-il jamais la faire coïncider avec celle qu’il aura, une fois atterri sur ses pieds ? Ses pieds feront de lui un marcheur, le condamneront à être sans patrie ni repos. Il ne sera ni lieu défini, ni réserve naturelle, mais une route qui se perdra dans le lointain. Il s’identifiera parfois à la lumière, parfois à l’obscurité ou simplement aux mécanismes de la chair. Il épousera ces deux pôles contraires, créant ainsi les énergies nécessaires à sa vie. S’accomplissant sans s’accomplir, son but se trouvera toujours à l’opposé de celui qu’il s’était proposé. Être sa propre création ou celle des autres ? »
La Lune noircie est l’histoire du petit Jonathan, cet enfant aux « yeux vairons » que son étrangeté et son caractère ingrat mettent à l’écart de la vie des hommes. Le deuxième récit, Lève-toi et marche, est une évocation de la mort de René Koltz, le mari d’Anise Koltz, grande figure d luxembourgeoise qui fut torturé par les nazis et mourut des suites de ces sévices.
C’est également la figure de René qui réapparaît mystérieusement dans le troisième récit, L’Irlande, le plus mystérieux des trois : « Le paysage vacille. L’ombre des arbres se perd. Le troupeau de moutons s’embrouille dans la peur tandis que la mer change de couleur : le gris se strie de vert, la cadence des vagues s’accélère et culmine, sans crier gare. Les morts sont arrivés telle une migration d’oiseaux sauvages. Effrayés par le bruit de la mer, ils s’envolent en bandes dilatées pour retomber violemment sur le sol, sacs de ciment mal entassé. Dans ce tableau mouvant, R. se détache. Il s’approche. Debout, sans fatigue dans son trench-coat flottant. »
Coll. Les Cahiers d'Arfuyen – 2009 – ISBN 978-2-845-90133-9 – 12,5 €