Le Voyage à Stettin

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Roman

Traduit de l’allemand par Hélène Mauler et René Zahnd

 

Tankred Dorst a été distingué par le Prix Européen de Littérature proclamé en novembre 2008, qui lui a été remis dans le cadre des 4es Rencontres Européennes de Littérature à Strasbourg en mars 2009.

Dramaturge, cinéaste, metteur en scène, romancier, Tankred Dorst est aujourd’hui l’un des plus grands écrivains allemands et l’une des dernières grandes figures de la génération formée sous le nazisme. Profondément marquée par cette catastrophe, son œuvre est une méditation très contemporaine sur l’histoire et l’échec des utopies. Elle a été récompensée par les plus grands prix : Gerhard Hauptmann (1964), Georg Büchner (1990), ETA Hoffman (1996) et Max Frisch (1998).

Sept volumes de ses œuvres complètes ont paru aux prestigieuses éditions Suhrkamp. Son œuvre théâtrale a été imposée par de grands metteurs en scène : Chéreau dès 1970 avec la célèbre pièce Toller (au Piccolo Teatro de Milan, reprise en 1973 au TNP) ou Lavelli en 2005 avec la gigantesque pièce Merlin ou la terre dévastée. Plusieurs pièces de Dorst ont été publiées en traduction française aux Éditions l’Arche : Fernando Krapp m’a écrit cette lettre  ; La grand imprécation devant les murs de la ville ; Moi, Feuerbach  ; Merlin ou la Terre dévastée. En revanche l’œuvre romanesque de Dorst, pourtant considérable, est encore totalement inconnue en France.

Le Voyage à Stettin (Die Reise nach Stettin, 1984) est le roman de Dorst le plus personnel et le plus représentatif. La poésie, le théâtre et l’autobiographie et l’histoire s’y mêlent en une création originale, qui peut faire penser à certains égards à la démarche d’un Pasolini. Il est à noter que Le Voyage à Stettin a été, un an plus tard, adapté au théâtre par Dorst sous le titre Heinrich ou les maux de l’imagination. Nous avons demandé aux traducteurs de Merlin ou la Terre dévastée, René Zahnd et Hélène Mauler, les meilleurs connaisseurs de l’œuvre de Dorst, de traduire ce roman.

Pour l’aspect autobiographique qui a donné l’argument du Voyage à Stettin, il faut rappeler la manière dont le tout jeune Tankred Dorst a vécu la Deuxième Guerre mondiale : en 1941, il est renvoyé au bout de trois jours d’un stage d’instruction de marine des Jeunesses hitlériennes au motif d’avoir lu pendant qu’il devait monter la garde. En 1943, il est incorporé dans le Service du travail obligatoire. L’année suivante, à dix-huit ans, il est enrôlé dans l’armée allemande (Dijon puis le front de l’Ouest). Un mois plus tard, il est fait prisonnier et détenu en Angleterre puis aux États-Unis.

Tankred Dorst a décrit lui-même son état d’esprit à son retour à l’automne 1947 : « Lorsque je suis rentré en Allemagne, j’étais absolument convaincu que je passerais ma vie au milieu des décombres et des ruines. Je pensais que jamais ces grandes villes démolies ne seraient reconstruites, que jamais plus les maisons ne formeraient des rues, que jamais plus il n’y aurait de lumière aux fenêtres. Et comment un nouvel ordre civil pouvait-il fonctionner ? En Westphalie rurale – c’est là que j’ai repris l’école en 1950, pour repasser mon bac –, l’histoire mondiale n’avait laissé quasiment aucune trace de son passage, mais à Nuremberg, Cologne, Würzburg… L’étendue des destructions visibles était terrifiante. Tout n’était que décombres. Il est difficile de se représenter cela aujourd’hui. »

Coll. Les Cahiers d'Arfuyen – 2009 –  ISBN 978-2-845-90132-2 – 13 €