Présent absolu

CA 217 Pfister Présent absolu

Oratorio

 

Complétant les deux oratorios de 2011 et 2013, Présent absolu constitue la dernière partie d’une trilogie, La Représentation des corps et du ciel , qui s’est imposée sans avoir été du tout préméditée.

Le grand silence, oratorio (2011) inaugurait une forme nouvelle pour l’écriture poétique. Fondée sur une composition essentiellement musicale, elle tente de conjuguer le rythme de la prose et la concision du poème, la multiplicité du monde physique et l’intensité de l’espace mental, pour les réconcilier dans un chant ample et fugué.

Le temps ouvre les yeux (2013) s’est inscrit dans la même ligne : « De la perception du temps, écrit Nelly Carnet (Temporel), nous glissons progressivement à celle de l’espace : “le brun roux / des hêtres // le jaune / des érables”. Au milieu de cet espace vibrant, la figure d’un enfant apparaît qui fait office de découvreur. Il regarde, il écoute dans la simplicité. Dans le huitième mouvement, tout semble se réunir en un seul point d’encrage : “c’est / dans mon corps // dans ma gorge / les cordes // se lèvent / les bois // les cuivres / les courbes”. Dans la mouvance, l’apparition et la disparition rythment le monde, le font miroiter, en répétitions, en reflets, en échos, et le ponctuent. »

Comme les deux précédents, ce nouvel oratorio comporte 9 chants. Il est précédé d’une note introductive intitulée « Ici est le chant » : « […] Quelque chose parle ici. Et n’a rien à dire. Rien d’autre que se dire. Cet ici de sang et d’os. Si peu. Cet ici de si peu de mots. Qui ne sont qu’un peu d’air, un peu de peau. Ce moment singulier où un semblant de chair se sera dit – et aucun sens, aucun lendemain. N’aura été que voix vacante dans l’espace de personne. Ligne, volte, vibrato. N’aura été que chant. […] »

L’oratorio est suivi d’un essai intitulé « Cet art du peu », visant à redéfinir les possibilités et la vocation propre de la poésie par comparaison de ses moyens avec ceux de la musique et la peinture : « De quelle matière sera fait cet art singulier qu’on nomme poésie, substance apparemment si ténue, insaisissable, qu’elle ne se peut réduire à aucune signification ni aucun objet ? »

Comme La Représentation de l’Âme et du Corps d’Emilio de’ Cavalieri (1600) marqua l’invention de l’oratorio, La Représentation des corps et du ciel constitue ainsi un drame en trois actes : la longue procession du temps (1) et sa dilatation dans l’espace (2) se résolvent en un unique maintenant de toujours jaillissant (3).

Le grand silence s’inscrivait dans les images de la temporalité : cortège, lignage, sillage… Le temps ouvre les yeux faisait exploser cette temporalité linéaire pour célébrer l’espace : simultanéité, échos, orchestre… Présent absolu s’ouvre à une dimension nouvelle qui dépasse le temps comme l’espace : celle du plus proche, de l’irréductible et innommable présence, vide et libre de tout.

♦♦♦   Lire l’article de Claude-Henry du Bord

Coll. Les Cahiers d'Arfuyen – 188 p – 2014 – ISBN 978-2-845-90203-9 – 14 €