Image de couverture de Geneviève Asse
Le 10 novembre 2012 l’écrivaine franco-argentine Silvia Baron Supervielle a reçu le Prix Jean Arp de littérature francophone 2012 pour l’ensemble de son œuvre de romancière, d’essayiste et de poète. Durant ces dernières années, l’œuvre de Silvia Baron Supervielle s’est imposée à travers trois types d’écriture : les récits et romans, publiés aux éditions Gallimard (récemment : Le pont international, 2011) ; des essais et proses, également chez Gallimard (dernièrement : Une reconstitution passionnelle, correspondance avec Marguerite Yourcenar, 2009) ; enfin la poésie, publiée chez Arfuyen. Silvia Baron Supervielle est aussi l’auteur de nombreuses traductions, notamment chez Arfuyen : Thérèse d’Avila, Cantiques du chemin, 1999, et Ángel Bonomini, Tours de silence, 2004.
Depuis longtemps l’œuvre de Silvia Baron Supervielle tourne autour de l’image fondatrice du fleuve : ce Río de la Plata qui sépare et unit ses deux patries maternelle et paternelle, l’Uruguay et l’Argentine. Qu’on se rappelle le titre de son récit La rive orientale (Le Seuil, 2001) ou celui de son récent roman Le pont international (Gallimard, 2011) : tous deux évoquent ce fleuve sans pareil. Plus largement encore cependant, cette image première renvoie aujourd’hui tout à la fois à la figure de l’Océan, qu’elle traversa pour rejoindre la France de ses ancêtres paternels, et à la figure de la Seine, qu’elle voit couler sous les fenêtres de sa pièce de travail.
Image fondatrice qu’elle aborde ici dans toute sa valeur symbolique : à la fois frontière et trait d’union, courant sans fin et paysage immobile. Dans les deux poèmes qui se réfèrent explicitement au fleuve, l’image qui prédomine est, ici, celle de la séparation : « ici en sortant des branches / de l’air sur le fleuve / qui verse sur ses reflets / les feuilles d’anciennes pluies / je me sépare du vent / comme la couleur de l’eau / se sépare de deux rives /et quand je vais je viens / à l’heure du centre /calme de la mer ». Et, dans le second poème, celle de l’écoulement : « j’ai renoncé aux mots // j’ai confondu les arbres / égarés sur le fleuve // chaque jour le courant / est plus puissant / les branches touchent /l’eau qui les brise /et les emporte »
On retrouve ces images dans les deux poèmes qui ouvrent et clôturent le livre. Dans le premier, voici les reflets à la surface de l’eau : « j’entends un cri / dans l’encre / qui ne sait pas s’écrire / lorsque la plume / sur la surface sereine / dessine un autre / reflet ». Dans le dernier, le fleuve est devenu immobile comme la langue, toujours proche de la naissance et la fin : « à droite à gauche / en haut en bas / une voix cherche / sa langue loin / d’ici et proche / de la naissance / et de la fin ».
Par leur diversité comme par l’intégrité de leur travail, les lauréats du Prix Jean Arp expriment mieux qu’aucun manifeste l’orientation de ce Prix pas comme les autres : en 2004, Jean Mambrino (France) ; en 2005, Henri Meschonnic (France) ; en 2006, Marcel Moreau (Belgique) ; en 2007, Bernard Vargaftig (France) ; en 2008, Anise Koltz (Luxembourg) ; en 2009, Pierre Dhainaut (France) ; en 2010, Denise Desautels (Québec) ; en 2011, Valère Novarina (Suisse-France). Ce Prix est depuis l’origine parrainé par le Ministère de la Culture (DRAC Alsace) et l’Université de Strasbourg.
Coll. Les Cahiers d'Arfuyen – 2013 – ISBN 978-2-845-90183-4 – 14 €