Tout entier visage

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Image de couverture de Pierre Soulages

« pas tout entier visage / non / tout entier tous les visages / je n’arrête pas de changer / comme un instant met au monde / son autre instant / et j’ai du mal / à vivre tant d’infini »

La langue des poèmes de Meschonnic coule de source : la simplicité, le rythme même de la langue parlée, mais détournés vers une réflexion quasi obsessionnelle sur l’identité du sujet : qu’est-ce que cet espace, ce temps, ce visage, cette langue où il vit ?

« Je suis l’autre », disait Gérard de Nerval, et Rimbaud « Je est un autre ». Pas de thème qui ait davantage passionné les poètes que celui-là. Jusqu’à Guillevic qui de poème en poème se fait rocher, arbre, rivière.

Meschonnic, qui fut proche de Guillevic, est lui aussi poète de la métamorphose : mal assuré de ce qu’il est, le voici prêt à devenir toute chose, tout être qu’il rencontre, avec un mélange de boulimie jubilatoire et d’angoisse existentielle qui sont la note profonde de son écriture. « et chaque vie je commence / tellement je n’ai / rien appris / que mes yeux sont comme un ventre / une ville y entre comme rien / il me suffit d’un désir / et mes yeux sont des yeux monde. »

Thème évidemment lié aussi, chez un poète aussi conscient de la judéité, à la privation totale d’identité qui fut imposée aux juifs par l’idéologie nazie.

♦♦♦   Lire les articles de Jacques Ancet et Charles Dobzynski

Coll. Les Cahiers d'Arfuyen – 2005 – ISBN 978-2-845-90069-1 – 13,5 €