Femmes

Postface de Vénus Khoury-Ghata

Poèmes calligraphiés par Nizar Kabbani et traduits de l’arabe par Mohammed Oudaimah

Nizar Kabbani est l’un des plus grands poètes arabes modernes et certainement le plus aimé. Son rare esprit d’indépendance, son amour de la vie, son rejet des idéologies répressives l’expliquent largement. Comme aussi sa langue, simple, vive et directe.

« La poésie de Nizar Kabbani, écrit Vénus Khoury-Ghata dans sa très belle postface à ce volume, a fusé il y a trente ans sur toutes les lèvres de la jeunesse arabe. […] La langue parlée faisait irruption en poésie et le quotidien prenait une forme écrite. Kabbani, un novateur : la poésie à travers lui se jouait sur la place publique. La cause de ce succès, il faut la chercher dans l’écriture directe du poème, aussi cadencé qu’une chanson. Kabbani y racontait l’Orient, les abus de ses régimes politiques, la superstition de son peuple et, surtout, la femme. La réalité brutale était coulée dans une forme lyrique et le vécu sans relief doublé d’une dimension légendaire. »

Le présent ouvrage, paru pour la première fois en 1988 et réédité ici à l’identique, est la première et la seule traduction en français de l’œuvre de Kabbani qui ait été publiée de son vivant, en étroite collaboration avec lui . Pour ce livre, Nizar Kabbani a réalisé lui-même les calligraphies de ses poèmes.

La femme a été la source principale de l’inspiration poétique de Nizar Kabbani. Mais il ne faut pas s’y tromper : à travers la femme, c’est de la liberté et de la vie qu’il parle, en son nom c’est l’archaïsme et le machisme de la société arabe qu’il dénonce. D’où sa grande popularité, notamment à travers les interprétations de Fayrouz et Oum Kalsoum, mais aussi les vives réactions politiques que son œuvre a suscitées.  Nizar Kabbani a payé cher sa liberté : il a démissionné de son poste diplomatiqye en 1966 et s’est définitivement exilé durant les 18 dernières années d sa vie.

Vénus Khoury Ghata a connu personnellement Nizar Kabbani et en fait, en tant que femme, l’éloge le plus juste juste : « J’ai connu Kabbani, écrit-elle, exilé volontaire à Beyrouth après avoir démissionné de son poste d’ambassadeur de Syrie dans un pays d’Asie. Ses lectures poétiques attiraient un vaste public de femmes qui le considéraient comme leur porte-parole et le dénonciateur d’une société faite par l’homme aux mesures de l’homme.

« Je l’ai retrouvé, il y a cinq ans, à Paris. La guerre du Liban venait de tuer sa femme. Debout sur mon seuil, mais brisé en lui-même, calme mais habité d’une rage froide, il me tendit son poème à Balkis, que je devais traduire pour la revue Europe. « La mort a nourri ces pages », c’est tout ce qu’il trouva à me dire. […] J’ai eu brusquement conscience que le poète donne non seulement sa vie en pâture à la poésie, mais également sa mort et celle des êtres qu’il aime.

Coll. Les Cahiers d'Arfuyen – 1988, rééd. 2020 12 € – ISBN 978-2-845-90302-9