Sur « Un dédale de ciels »

La lecture de Jean-Marie Corbusier

Extraits de l’article sur Un dédale de ciels de Benoît Reiss paru dans Le Journal des poètes, n° 4, 202

L’auteur revient vers les chairs disparues des chers disparus. Ils ne font plus qu’un dans la mémoire qui les ravive. L’arrière-petit-fils côtoie l’arrière-grand-père dans des gestes quotidiens les plus banaux, parfois aussi les plus secrets. Nous sommes dans le temps et hors du temps, l’espace n’a plus de lieu, il est tous les lieux présents et confondus.

Toute une série d’images dérivent qui se dispersent et s’assemblent parfois dans des mouvements surréalistes. Sa voie dégringole / émiettée / depuis la forme noire / accroupie sur moi. On s’échappe vite du réel, la rêverie qui gouverne le souvenir permet de lancer le songe dans des directions insoupçonnées. Le réel advient mais dans un autre avènement : Mon aïeul tient un journal de silence.

Les limites rationnelles se dépassent, le cloisonnement entre les catégories de choses disparaît, le monde semble un à-plat tentaculaire. Tous les sens sont aux aguets dans un retournement possible des choses. […]

Dans cette intimité où l’oubli refait surface, il n’y a pas de sentiment exprimé, ce sont des descriptions de gens, de lieux, de faits d’existence perdus dans la masse des existants, sans éclat sans rien qui les ait retenus pour que quelqu’un se souvienne.

Existence banale, tout témoin disparu, les chairs pourrissent au fond du noir mais cela avait déjà commencé la vie durant : les impressions, les sentiments mêlés de ma grand-mère qu’elle ne dit pas. Vie étouffée par la vie ordinaire, l’auteur lui rend un peu de lustre en dépassant le réel en activant les voies du songe. Voici tous ces gens redevenus vivants et anonymes l’instant de la lecture. Ecriture franche et directe qui ne s’embarrasse pas de mots inutiles, sensible sous le verbe ordinaire.