
La lecture de Veneranda Paladino
Extraits d’un article paru dans les DNA, le 26 juin 2022
C’est probablement son recueil de poésie le plus intime, cru et âpre mais empli de bienveillance et de compassion. Michèle Finck aborde la bascule psychique et sa quête d’écriture en délivrant un cri d’amour bouleversant.
S’entailler non pas les veines, mais « entailler l’intime » Ainsi s’annonce le nouveau recueil de poésie de I’écrivaine Michèle Finck – la Ballade des hommes-nuages –. qui convoque en son titre l’autre célèbre Ballade des pendus de François Villon. […]
Son univers tisse des correspondances entre la danse, le cinéma, la peinture, la musique ; ici celle de Schoenberg et du mouvement dodécaphonique. Une traduction du chavirement intérieur de « son » homme, OM, qui bascule dans la maladie mentale […]
L’architecture de la Ballade des hommes-nuages emprunte au cycle orphique de la descente à la remontée vers la lumière guidée par l’amour. Une trajectoire douloureuse, ample, qui relève de l’exorcisme ». Au cœur de l’infinie finitude, il y a également cette quête transmise par le père « du mot qui manque».
« Le mot qui manque / Est le sous-œuvre / De tout poème » Qui prodigue guérison, amour et sauve l’autre. L’homme aimé traverse l’enfer médicamenteux, hospitalisé à Sainte-Anne à Paris. Un lieu ouvert où il peut peindre, filmer les nuages, mais qui enferme dans une camisole chimique « à la puissance d’une bombe atomique » pour le cerveau.
L’homme blessé crie son mal être et implore « sauve-moi ». Autant de mots lestés de peine que consigne autrice dans divers carnets d’hôpital. Elle les rassemble ici pour la première fois. À cet égard. Michèle Finck livre un vibrant témoignage d’une accompagnatrice impuissante face à la détresse et à la déshumanisation que génèrent trop souvent les hôpitaux psychiatriques. Elle souhaite, dit-elle, apporter « une bouée de sauvetage aux accompagnants, qu’ils se sentent compris, aidés et aimés »
« Laisser deviner » tout en disant les choses, mais avec délicatesse et bienveillance. C’est la force de ce texte qui avance entre vie et mort, dans un état qui confine à ta clairvoyance. Morts et vivants s’y étreignent dans une chorégraphie intime De l’enfance surgissent des images, elles se réfléchissent au prisme de la folle de l’OM. […]
L’OM se rêve en OZ. comme le magicien. Et continue de filmer les nuages : l’art sera son viatique N’est-ce pas au cœur d’une brûlure intérieure que l’hyper-sensibilité créatrice jaillit ?
« Tous hommes nuages / qui combattent aux frontières / De la folie Humains Sont des êtres humains / N’en faites pas des proscrits des hors-la-vie ». Ce chœur a cappella, « Miserere », qui referme le livre, partage un message essentiel de tolérance, d’accueil de l’autre fragile. Dans une compassion infinie et universelle.