(1892 – 1981)
Nathan Katz est né le soir de Noël de l’année 1892 à Waldighoffen, dans cette région de l’extrême Sud de l’Alsace qu’on appelle le Sundgau. Contrairement à ce que pourrait faire croire au premier abord sa poésie, entièrement vouée au monde paysan, Nathan Katz est issu du milieu commerçant. Sa famille paternelle tient une boucherie kasher au village ; sa famille maternelle un commerce de textiles à Blotzheim, à quelques kilomètres plus au Nord.
À Waldighoffen, Nathan Katz fréquente l’école unique du village où l’enseignement, conformément au statut de l’Alsace annexée, se fait à l’époque exclusivement en allemand.
C’est sa mère qui lui apprend les premières bribes de français ; il complétera ses connaissances plus tard en prenant des leçons, afin de lire dans le texte ses auteurs favoris, notamment Racine. Il apprit de même l’anglais pour lire Shakespeare et Byron, Tennyson et Kipling, Robert Burns, Edgar Poe, et les traduire avec bonheur en alémanique.
À quinze ans, il entre comme « apprenti de bureau » à l’usine de tissage et de filature des Frères Lang, toujours au village natal de Waldighoffen. Mais cela ne change rien à sa soif de connaissances et de lectures. Il lit avec un même enthousiasme les auteurs antiques (Sophocle, Euripide, Aristophane, Platon), les Orientaux (le Perse Hafiz ou l’Indien Kâlidâsa, les poètes de la Chine médiévale Li T’ai-Po et Tu Fu) et, bien entendu, les grands modernes (Goethe, Schiller, Hölderlin, Heine, tout comme Racine, Balzac, Baudelaire).
Par un trait d’humour du destin, c’est la boucherie familiale qui lui donne accès à la littérature contemporaine à travers Rilke, Péguy, Francis Jammes, Mistral, Rabindranâth Tagore. En effet, un chiffonnier qui livrait à Bâle en revenait avec une cargaison de journaux dont il approvisionnait le commerce des Katz. Le jeune Nathan y découpe les rubriques littéraires et se réserve les revues spécialisées qui l’initient aux lettres de son époque.
À l’école primaire il avait appris quelques poèmes de Johann Peter Hebel. C’est encore à la boucherie familiale qu’un marchand de Bade, autre messager du destin, après l’avoir entendu réciter, lui offre un volume du poète alémanique.
Katz est incorporé, pour son service actif sous l’uniforme allemand à partir de septembre 1913. Trois semaines plus tard, le 20 août 1914, près de Sarrebourg, il a le bras droit brisé par une balle. Il est opéré et hospitalisé à Tübingen jusqu’à fin octobre, puis envoyé pendant sa convalescence à Fribourg. Dès janvier 1915 il rejoint le 150e Régiment d’infanterie à Allenstein, en Prusse Orientale, puis, en mars 1915, le front russe. En juin 1915, il est fait prisonnier à Ostrolenka et interné aux camps de Sergatsch et de Nijni-Novgorod jusqu’en août 1916.
Le 26 août 1916 il est rapatrié à Monistrol-sur-Loire. De septembre 1916 à janvier 1918, il passe seize mois au camp de prisonniers de guerre de Saint-Rambert-sur-Loire. Au printemps de 1918, après un séjour à l’hôpital militaire de Saint-Étienne, il est évacué au « Dépôt d’Alsaciens-Lorrains de Lourdes ». En décembre 1918, il est « mis en détachement pour se rendre à Waldighoffen », détachement renouvelé de trois mois en trois mois jusqu’en septembre 1919.
Pendant quelques mois, Nathan Katz travaille à la boucherie familiale, mais il ne peut se résoudre à y investir son avenir. À partir de 1923, il devient voyageur de commerce : d’abord jusqu’en pour l’industrie métallurgique, puis, de 1926 à 1931, pour les machines textiles. Pendant ces années de voyage en France, Allemagne, Autriche, Tchécoslovaquie, Hollande, Katz ne revient qu’épisodiquement au Sundgau.
La crise économique le contraint pour quelque temps au chômage. Le poète et peintre Henri Solveen, le présente alors à l’industriel strasbourgeois Ancel qui l’engage comme «inspecteur-voyageur ». Et les déplacements recommencent, surtout vers le Midi de la France et l’Afrique du Nord. C’est dans le train, en bateau, à l’hôtel, sur une table de bistrot qu’il écrit alors la plupart de ses poèmes sundgoviens. De même il continue de lire et de relire les trois livres qui l’accompagnent partout : la Vie de Bouddha, le Faust de Goethe, la Vie de Jésus de Renan.
En ces années d’entre les deux guerres, lors de séjours en Alsace, Katz fréquente ce qu’on est convenu d’appeler le Cercle d’Altkirch, un cénacle de jeunes écrivains et artistes comprenant Maxime Alexandre, Jean-Paul de Dadelsen, Eugène Guillevic, Frédéric Hoffet, André Jacquemin, Robert Breitwieser, Arthur Schachenmann et celle que l’on appelait avec déférence « Mademoiselle Bergson ».
La Deuxième Guerre mondiale le surprend à Périgueux où, conformément aux consignes de son livret militaire, il se présente aux autorités. Mobilisé en septembre 1939, il est envoyé en Afrique du Nord pendant la « drôle de guerre ». Le 22 novembre 1939, il est «rayé des contrôles » et se retire à Constantine.
Définitivement « renvoyé dans ses foyers » le 25 juillet 1940, il revient à Limoges où son usine strasbourgeoise avait été évacuée. Nathan Katz passe les années de guerre en zone libre, mais les lois de Vichy le feront congédier des Établissements Ancel en janvier 1942. Il avait, à ce moment-là, déjà perdu son patron et ami, ancien gazé de la Première Guerre, qui entre temps s’était donné la mort. Sans occupation salariée du 1er janvier 1942 au 31 janvier 1946, Katz se trouve réduit à une maigre allocation de réfugié.
À Limoges, Katz fait la connaissance du jeune Georges-Emmanuel Clancier. Il a aussi l’occasion de rencontrer en 1942 Paul Valéry : « Alors qu’il faisait une conférence, on entendit soudain de la rue monter le rythme des cuivres et des fifres d’un détachement allemand en parade. Valéry s’arrêta de parler, attendit que le martèlement des bottes s’estompât et dit : “Je rends hommage à un grand Français : Henri Bergson.” »
Rapatrié en Alsace, il exerce à partir du 1er février 1946 et jusqu’à sa retraite en 1958, les fonctions de bibliothécaire à la Bibliothèque Municipale de Mulhouse.
En mars 1948, il avait épousé Françoise Boilly, arrière-petite-fille du Général Foy (1775-1825) et du peintre Léopold Boilly (1761-1845).
Nathan Katz était Membre de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques français, Membre de la Société des écrivains d’Alsace et de Lorraine, Lauréat du Oberrheinischer Kulturpreis (1966) et du Grand prix de l’Institut des Arts et Traditions populaires d’Alsace, Bretzel d’or (1997).
Il est mort à Mulhouse le 12 janvier 1981.
OUVRAGES PUBLIÉS AUX ÉDITIONS ARFUYEN
La Petite Chambre qui donnait sur la potence