Alain Porte définit admirablement la juste manière d’aborder les Upanishads : « C’est entre le VIe et le IIIe siècle avant notre ère – tous les spécialistes admettent leur impuissance à les dater avec plus de ponctualité – que ces Upanishads ont vu le jour, comme les terminaisons nerveuses du vaste ensemble canonique du Veda. Et c’est très naturellement que ces Upanishads se rattachent à la fin du Veda, ce qu’exprime littéralement le terme sanskrit de vedânta.
« Ces poèmes spéculatifs (en vers, en prose, et parfois dialogués), s’ils semblent sonner le dégel philosophique de la vaste littérature des textes rituels, des formules et des hymnes, relèvent encore de ce que l’Inde a nommé pour elle-même la Shruti, littéralement audition, plus communément rendu par Révélation. Mais nous ne savons pas comment les Rishi, ces prophètes des premiers âges ont recueilli ces textes chargés de ferveur et de lucidité, nous ne savons qui les a composés.
« Ils sont, clans la perspective indienne, la Parole incréée qui sillonne immuablement l’éther: musique du Silence pour qui n’a pas l’oreille subtile propre à l’entendre ; Verbe intelligible pour ces êtres rares qui ont su capter, dans le secret de leur cœur, les sons porteurs de sens, reflet audible des fondements de la création.
« Ces partitions, écrites par un dieu sans visage, sont les buées sonores qui nourrissent la conscience du dormeur, confus devant l’opacité des formes, et dérouté par la féerie persuasive des mots. Elles sont la semence qui féconde l’esprit. perpétuellement aimanté par l’horizon où se résorbent les questions vitales, cet horizon flottant où l’on calligraphie d’impénétrables vocables –Réalité Ultime, Absolu, Dieu – tant est dévorante la soif de connaître et périlleux l’appétit de savoir.
« Tel est dans les Upanishads le singulier combat qui se joue entre les mots qui réduisent et la vision qui dilate : perpétuel entremêlement de métaphores, qui sont le point de fusion de la Pensée, lancinante et pathétique, et de la Conscience, impavide et muette. »
OUVRAGES PUBLIÉS AUX ÉDITIONS ARFUYEN